Louable, l’initiative de Marcel Bluwal.
Ecrit sous le second empire par un brillant avocat, Maurice Joly qui sera emprisonné, ce texte pamphlétaire s’applique à dénoncer, sous la forme d’un dialogue imaginaire entre Machiavel et Montesquieu, l’exercice de l’autorité et le pouvoir de l’oligarchie capitaliste, son corolaire.
Adapté par Marcel Bluwal, cet échange entre l’homme de « L’esprit des Lois » et l’auteur de « Le Prince » se veut modernisé au plus près de l’actualité afin de mieux dénoncer l’antagonisme entre démocratie et totalitarisme.
La qualité du traitement du sujet qu’émaillent quelques répliques à fleuret moucheté ne parvient pas à sauver le spectacle de la démonstration didactique à l’intention d’une jeunesse sans conscience, ou d’un public d’amnésiques ignards.
Créé en son temps par des géants tels Pierre Frenay et Julien Bertheau en 68 à La Michodière, suivie en 83 par Michel Etcheverry et François Chaumette au Petit Odéon, et en 2005 par Jean-Paul Bordes et Jean-Pierre Andréani au Lucernaire,
Lulu a assisté à cette reprise vierge de tout antécédent.
Ni l’interprétation de Pierre Santini et Hervé Briaux, ni le beau décor translucide de Catherine Bluwal avec son mur bibliothèque esquissé dans les blancs et son mobilier en plexiglas ne l’ont sauvée de l’ennui à l’écoute de ce cours d’éducation civique.
Sans révélation, sans dramaturgie, l’exercice se révèle vite fastidieux pour toute personne possédant le minimum de notions politiques.
Caractéristiques du Poche ces face- à- face entre deux grands personnages historiques.
Lulu n’a pas manqué de saluer de précédentes controverses, telle Pascal-Descartes.
Bien que répondant à une démarche hautement respectable et s’inscrivant parfaitement dans l’actualité,
Ces dialogues n’ont point fait mouche ni remporté ses suffrages.
Atelier
La déglingue dans tous ses états.
Rois du foutraque, champions du burlesque, empereurs de la dérision, combien de fois Lulu n’a- t-elle pas encensé ces flamands et néerlandais dans ses chroniques ne manquant aucun de leurs spectacles lors de leur venue à Paris.
Les énumérer serait fastidieux, dans « Atelier » c’est avec bonheur que l’on retrouve le tandem inoubliable de « My dinner with André » : Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede, accompagnés du non moins talentueux Matthias De Koning pour un spectacle entièrement basé sur le visuel et le bruitage.
Bienvenu au royaume du bricolage et de la déglingue.
Un festival de ratages dignes des Pieds Nickelés vous attend.
Les larmes de rire viendront ponctuer bien des efforts catastrophiques de notre trio de bras cassés.
Assis cigare au bec, géant ventru placide et jovial sous sa barbe fleurie, Damiaan De Schrijver vous accueille près d’une étagère où s’accumulent des tas d’objets poussiéreux, hétéroclites, en piteux état.
Sur le plateau des piles de cageots en plastique, des cintres pendent à l’horizontale de vulgaires planches de bois blanc parfois emmaillotées de chiffons noirs.
Le ton est donné,
Accompagnés de ses compères, Peter Van den Eede et Matthias De Koning, ascétiques et décharnés, le trio se met aussitôt à l’action.
Les piles sont soigneusement enlevées.
Débute l’hasardeuse installation d’un plancher sur lequel l’équilibre reste à trouver pour un inénarrable défilé de mode de nos trois gaillards, chaussures éculées, costumes usés et maculés de taches, trébuchant avant de s’attaquer au transport périlleux d’un vieux tuyau de poêle transformé en portant pour une brochette de cintres en fer emmêlés dont l’accrochage se voit consolidé par le recours aux ceintures tenant leur froc.
Le ton est donné, les exploits se suivent, hilarants, avec la laborieuse confection d’un semblant de porte fabriquée à partir d’un léger film de protection, transparent, souple. Déploiement, découpage, cloutage, encollage, peinture et confection de l’ouverture donneront lieu à autant d’incidents que de fous rires du public face au sérieux imperturbable, à l’application exemplaire, à l’air pénétré, aux efforts redoublés des acteurs de cette absurde séance de bricolage.
Mille gags imprévisibles, inventifs émaillent la succession de tableaux d’une première partie au rythme soutenu.
Perceptible dans la seconde, le ralentissement est sitôt effacé par un surgissement aussi intense qu’inattendu du tragique.
Deux scènes brèves et saisissantes nous font assister à une soudaine crucifixion et descente de croix faites de rien, puis de l’apparition au cœur des ténèbres de trois pauvres hères juste éclairés par un lumignon se passant un coup de gnole serrés autour d’un feu de fortune.
Passage sans transition. Impression poignante. Dramaturgie puissante.
Certains regretteront l’absence totale de dialogue, frustrés de ne pas entendre l’irremplaçable accent flamand de ces immenses comédiens,
A notre époque où la mégalomanie des metteurs en scène réduit à néant bien des chefs d’œuvres, magnifiant l’art du théâtre dans son ultime dénuement, « Atelier » se pose en exquis contre-poison.
Euphorisant et consolateur.
Lulu ne se lassera pas de vous le répéter.
Ces bataves et flamands font ses délices.