Salué récemment dans ces chroniques, « Le Faiseur de théâtre » avec André Marcon. (Lulu du 18 janvier) est aussi à l’affiche jusqu’en mars.
« Déjeuner chez Wittgenstein » offrait l’opportunité de poursuivre l’immersion dans cette œuvre.
L’expérience hélas s’avère beaucoup moins convaincante.
Ce repas cauchemardesque prend place dans un cadre bourgeois, conservateur et cossu autrichien.
Dans la stricte intimité familiale, il réunit, à l’occasion de sa sortie d’un hôpital psychiatrique le frère « philosophe » et ses deux sœurs.
Dès les préparatifs exécutés avec un soin maniaque par l’ainée toute à la joie des retrouvailles, la cadette apparait en spectatrice critique.
Entre elles aussitôt se dessinent une obscure rivalité, de troublantes
relations au frère attendu.
A l’arrivée de celui-ci, plus déroutant encore,
Le surprenant renversement des rapports entre les protagonistes.
Face à ce personnage, rare concentré de haine,
L’ainée, Dene, prétendue sœur aimante et dévouée, sera l’objet de toutes les moqueries et de ressentiments profonds exprimés par les deux autres,
Alors que Ritter, la cadette et son frère Ludwig dévoileront une étrange forme de connivence secrète, voire perverse.
Affrontements sans fin, dénigrements généralisés, propos acerbes, provocations, diatribes, colères vociférations inextinguibles, s’enchainent et se suivent.
Honnis sans exclusive, parents, famille, maison, médecine, théâtre, peinture.
Entouré de ses sœurs, spectatrices, victimes consentantes ou complices,
Ludwig mène cette danse infernale,
Tel l’accomplissement d’un rituel dévastateur, expiatoire et délirant.
Malgré la présence de Dene, Yveline Hamon, l’ainée, lèvres pincées, visage couronné d’une tresse, rondeurs soulignées par la brillance d’une robe de satin, juste incarnation de la bourgeoise repue et satisfaite,
Serait-ce l’interprétation au premier degré des deux autres interprètes qui nuisent à la puissance du texte :
Ludwig gesticulant, invectivant, vociférant, éructant, tonnant sans retenue, donnant libre cours à ses détestations généralisées,
La cadette, dans l’outrance permanente de ses provocations verbales et gestuelles,
Ou serait-ce un maillon faible de l’œuvre de Thomas Bernhard ?
Je ne saurai trancher.
Conçue comme une ode aux comédiens du Burgtheater de Vienne, Créateurs de ses pièces les plus scandaleuses,
Ainsi montée,
Paroxystique toujours,
Gommant toute ironie, comique, et dérision, à l‘exception de l’épisode des caleçons Mont-Blanc en coton suisse « Qui a fait ses preuves »
Le sujet se vide de sa substance, l’intrigue semble peu crédible, l’exagération parait invraisemblable.
Lourd, trop lourd, ce « Déjeuner ».
Indigeste hélas.