N’attendez pas de cette version de « Danse de Mort » une illustration de haines recuites, d’affrontements conjugaux sans merci, d’implacable soif de vengeance, d’insondables aigreurs.
En dépit de leurs incessantes querelles, de leurs griefs accumulés, de leurs stratégies de nuisance, de leurs mensonges, de leurs rancœurs, avec Luca Ronconi, soudain transparait dans le couple infernal, Alice et le Capitaine, une dimension d’humanité magnifiant toute l’ironie de l’auteur envers ses personnages.
« J’ai été surpris par la découverte de cette œuvre qui exprime de façon grandiose ma propre conception de l’amour, dans ses moyens, la guerre, dans son essence, la haine mortelle des sexes » écrit Strinberg à propos de cette pièce.
La grande Adriana Asti est Alice. Jouer une ancienne comédienne « enlevée » par son fiancé, arrachée à la gloire, à l’opulence, lui sied à merveille. Elle feint avec naturel, manigance avec le sens de l’intrigue théâtrale, geint avec conviction, révèle cependant son mépris et sa froideur avec sincérité.
Mais dans le couple, véritablement émouvant de rodomontades et d’échecs dissimulés sous l’orgueil affiché, de joies factices, d’autorité moquée, Giorgio Ferrara en Capitaine, barbe fleurie, silhouette alourdie, étriqué dans son uniforme élimé, est le parfait époux bafoué, le combattant héroïque d’une lutte désespérée. Comique dans ses caprices et ses gourmandises, il amène la scène finale de la célébration de leurs noces d’argent avec l’espièglerie, ou la naïveté, d’un jeune homme.
Loin des hurlements et des vociférations,
Le recommencement, comme un espoir,
La reprise des hostilités, l’affirmation de leur liberté, de la solidité de leur union.
L’affrontement comme moyen de survie.
Une version pétrie d’humanité.