En montant son chef d’œuvre à l’Atelier, Paris lui rend un bel hommage posthume.
Cette pièce a connu le succès aussi bien aux Etats-Unis qu’en Angleterre et en Irlande.
Comme toujours le dramaturge revient à son pays natal.
L’action se situe en 1936, dans la ferme des cinq sœurs Mundy.
Nous sommes à la veille du bal de la Lughnasa, réjouissance populaire célébrant la fin des moissons.
S’activant à leur divers travaux domestiques en dépit de la chaleur accablante, ces célibataires et femmes de devoir se prennent à rêver de danses sauvages, de plaisirs et d’évasion sous le regard de Victor, sept ans, le fils « naturel » de la plus jeune d’entre elles.
Dirigée par l’aînée, pieuse institutrice, la fratrie vit dans un équilibre précaire.
L’effondrement ne tardera pas. Leurs aspirations à une vie meilleure seront vite anéanties, victimes d’évènements extérieurs, de préjugés, du conservatisme.
Témoin du drame de ses tantes, les souvenirs de Victor feront revivre sous nos yeux cette triste ballade irlandaise : le rejet par le clergé local de sa tante institutrice et de l’oncle missionnaire imprégné de culture africaine, l’abandon de son père piètre aventurier qui disparaitra à jamais, la déchéance des deux soeurs parties en Angleterre en quête d’une vie meilleure.
En 2011 nous avions été sincèrement émus par les personnages de la précédente pièce de Brian Friel » Une autre vie » ( lulu de novembre 2011) véritablement tchékhoviens, vies pudiquement déchirantes.
Dans « Danser à la lughnasa » Didier Long a la belle idée de faire jouer Victor par un homme d’âge mur.
Philippe Nahon, sous une fausse rudesse de petit paysan, tout en retenue, est cet enfant seul face à la tribu, dans l’attente, comme sa jeune mère, des visites de ce père insaisissable. Il donne une rare épaisseur à son personnage, alliant à sa sensibilité d’enfant une maturité précoce trop tôt acquise.
Lou de Laâge , assume avec grâce et fragilité son rôle difficile de maman hors les « liens sacrés du mariage » conservant, en dépit de sa situation un amour intact pour ce père défaillant.
Claire Neubout est une belle « Sœur courage » rigide sur les principes, défiant vaillamment l’adversité dans un combat perdu d’avance.
Mais l’importance des scènes entre femmes, comme au bord de l’hystérie, sauvages ou presque stupides lorsqu’elle elles évoquent leur aspirations, leurs désirs, nuit aux personnages et nous interdit de partager véritablement les affres de ces âmes tourmentées.
Les autres personnages masculins sont sans éclat.
Impossible de statuer sur la cause de notre incompréhension du drame :
Didier Long est un metteur en scène de talent.
Brian Friel un grand dramaturge.
Cependant la soirée fut une déconvenue.