Voilà bien le trait marquant du dernier spectacle signé Nicolas Briançon et sa compagnie, dans cette entreprise de tous les risques savamment évités.
En compagnie de Monsieur de Sade dans sa geôle de la Bastille, nous suivons sa terrible captivité qui ne connut point de fin.
Enfermé dans sa cellule, cet être dont la raison semble quelque peu altérée (il finit ses jours à Charenton...) manifeste ses exigences, défie son gardien, provoque par ses blasphèmes outranciers la bonne soeur charitable.
Il vit, ou plutôt essaie de survivre désespérément, à travers l'écriture
Grâce à son imagination sans limite, aussi folle que perverse, la vision d'une jeune femme l'accompagne souvent, seule note de fraicheur dans cette atmosphère délétère et oppressante. Habile stratagème incarné par la séduisante Dany Verissimo au naturel confondant, jusque dans les scènes les plus scabreuses.
Pierre-Alain Leleu, le divin Marquis, incarne le personnage avec beaucoup de force contenue.
Ses outrances verbales sont parfaitement maitrisées.
Ses raisonnements aberrants, posément énoncés.
Je lui aurais simplement préféré la culotte à la française en lieu et place de son pantalon de cuir noir, symbole S-M superflu à mes yeux.
Jacques Brunet est un parfait geolier obtus et maltraité et Michel Dussarat est la bonne soeur travestie, seul clin d'oeil de la mise en scène.
Une soirée avec un "fol"?
Encore et toujours des histoires sexe et violence?
Dépassées ces considérations.
La conclusion s'impose, plus universelle, plus troublante et plus émouvante. La liberté, sa privation, ses conséquences funestes: l'accablement, la folie et le désespoir.
"C'est la nuit du tombeau qui m'enveloppe déjà" constate-t-il avant de dicter ses dernières volontés.
Et l'être le plus transgressif qui soit se révèle un pauvre homme en vérité, rien qu'un malheureux.