Nous mettre ce héros à l'hôpital.
Au milieu de malades dont la raison semble altérée.
Ce parti pris pour le moins surprenant, nous fait pénétrer directement dans une salle commune où se réunissent les patients.
Plafond noir zébré de néons, tables, tabourets , juke-box, fontaine à eau, placard à balais forment l'unique mobilier de l'immense plateau. De dos, trônant au milieu, le fauteuil de malade sur lequel Cyrano, tête bandée, attend le début de la représentation.
Cyrano vu d'entrée de jeu comme une sorte d'aliéné, de malade mental, sa grandeur étudiée sous le prisme d'un "dérangement", d'une forme de folie, aurait pu nous conduire au désastre.
Force est de reconnaitre que le résultat est convaincant.
Notre attention sans moments de faiblesse .
D'extraordinaires trouvailles pour actualiser le texte, telle la scène du balcon remplacée par une liaison par Skype sur internet! . Un Philippe Torreton , en marcel et bas de jogging, à la diction aussi parfaite que la présence admirable , une Roxane ,Maud Wyler, fragile mais aussi enjôleuse, entourés de cette bande de " d'originaux", parvient à nous rendre , dans ce registre inattendu, bien des qualités de cette pièce "grandiose" .
Sont sacrifiées, au passage, le comique des scènes pourtant irrésistible du "Comédien" à la mode avec ses petits marquis, et celle du pâtissier Ragueneau, avec son avalanche de gourmandises. Pas davantage d'héroïsme au moment du siège d'Arras, où notre compagnie se met à valser sur un air de musette..
La pièce résiste, le texte s'impose, pas un vers ne nous échappe.
L'analyse de Dominique Pitoiset déconcerte, mais la superbe de Cyrano, poussée à ces excès, n'est-t-elle point déraisonnable ?
Souffrant, Cyrano, au sens propre du terme, mais avec un Philippe Torreton si juste, le pathos emphatique nous est épargné. Seule perce la douleur à jamais dissimulée.
Après le magnifique Cyrano de Lavaudant avec Patrick Pineau, Cette deuxième version de la saison est un nouveau bonheur.
Merci Edmond Rostand.