Un bosquet central, formé de cyprès enchevêtrés et tordus compose l'unique élément modulable du décor, des haies de verdure bien taillée ceignent le plateau.
Cette sobriété dans la scénographie, non dénuée de fraicheur et de poésie, est à l'exact reflet de la très belle mise en scène de Georges Lavaudant.
Déjouant tous les écueils redoutables de cette pièce emblématique, la dernière écrite en alexandrins, jouée dans de merveilleux costumes d'époque, stylisés juste ce qu'il faut ( de Jean-Pierre Vergier qui signe aussi le décor) Georges Lavaudant nous restitue avec autant de modernité que de fidélité, toutes les résonnances du texte, comme chacun des personnages qui la compose, et les situations qu'ils traversent.
Texte fleuve,épique dont pas une syllabe ne se perd, pas une nuance ne nous échappe, pas une émotion ne nous touche.
Sa richesse est infinie, l'écriture flamboyante à l'image de son héros, humain et pathétique , romantique et désespéré, lucide et indomptable, fragile et intrépide, personnage magnifique et bouleversant.
Prodigieux Patrick Pineau, bretteur, rimeur, provocateur," séducteur "sacrifié, incompris, jalousé, désargenté, téméraire, audacieux.
"J'ai décidé d'être admirable en tout et pour tout" proclame Cyrano.
De même Patrick Pineau, dont l'interprétation, à l'exclusion de tout cabotinage ou grandiloquence, est un exploit de justesse, de beauté, de feinte désinvolture, d'adresse, d'esprit, d'ironie, de douleur contenue, de superbe, et de renoncement à la fois.
A ses cotés, Marie Kauffmann est une exquise Roxane, meilleure en coquette amoureuse qu'en veuve inconsolable.
Le reste de la troupe, en dépit de quelques faiblesses dans la distribution, se défend avec vaillance.
Si le temps nous parait long parfois, il arrive qu'on vienne à l'oublier.
Elégance du désespoir. Tout le "Panache" de Cyrano.
Grand Cyrano, grande soirée, grand théâtre.