Corsetée, confite en dévotions, autoritaire et méchante, vivant en désaccord conjugal permanent, véritable cœur de pierre, pire qu’une marâtre, la mère de Sophie traita sa fille comme « sa » proie, l’exutoire à toutes ses frustrations, l’objet de tous ses ressentiments.
Dès la petite enfance, une planche pour lit, la même robe en toute saison, lui feront endurer faim, soif, froid, chaleur insupportable
Indomptable, l’enfant sera même punie plus sévèrement.
Abandonnée par sa mère en pleine forêt, elle se retrouve seule face à un loup ;
Elle ne doit son salut qu’aux moujiks qui la découvrent sans connaissance.
Aux sentiments de peur et de souffrance, s’ajoute, plus cruel encore, le sentiment d’abandon.
L’ombre bienveillante du Général lui apportera son unique réconfort jamais démenti.
Existence tumultueuse, bien d’autres «épreuves » jalonneront sa vie : la comtesse verra bruler Moscou, connaitra l’exil en France, souffrira des infidélités de son époux, se consacrera, elle, entièrement à ses enfants avant de traverser treize années de dépression après la mort de l’un d’eux.
Devenue écrivain la cinquantaine venue, la littérature sera sa « rédemption »,
Le triomphe d’une vie jusque- là inaccomplie, la reconnaissance, L’indépendance financière conquise par une femme dans un monde alors dominé par les hommes ;
La victoire d’une enfant insoumise durement acquise.
Dans sa robe couleur d’automne, tresses relevées en couronne, petit col de dentelle, Bérangère Dautun est une comtesse idéale de distinction, de volonté, de révolte et de douleurs vécues.
De « distrayantes » la part autobiographique de ses livres apparait sous un jour autrement dramatique.
Magnifique apologie de la force de la littérature, de l’affirmation de soi,
En sortant du théâtre, on piaffe de se replonger dans ses livres.
Avec peu d’éléments, et quelques projections joliment illustratives projetées sur un cadre en fond de scène, la mise en scène de Pascal Vitiello recrée avec grâce l’atmosphère de l’époque.
Il y fait évoluer Bérangère Dautun avec le charme d’alors.
Une Comtesse de Ségur héroïne de roman.