On pense: sans surprise, manichéen, conventionnel, simpliste, systématique.
Puis on découvre: grisaille, demi-teinte, clair-obscur,, chantage, manipulation, fausse abdication, lâcheté explicable.
L'amitié qui unissait Strauss à Sweig était authentique, profonde, intime. Leur admiration réciproque.
Strauss, après le suicide du poète Hofmannsthal, traverse une crise aigüe: dans l'incapacité de composer, privé de livréttiste, il est au désespoir.
Zweig contacté, sera son homme providentiel: ses propositions sortiront le compositeur de son marasme, son inspiration tarie, soudain ravivée.
Nous sommes alors en 1932.
Mais dès l'année suivante, l'accession des nazis au pouvoir changera le cours de l'histoire.
Cette histoire en subira les conséquences dévastatrices.
L'intérêt essentiel de la pièce: sa grande subtilité.
Le titre la résume, il contient toute l'équivoque de la situation.
S'il s'agit de collaboration, ce n'est pas tant celle qui est évidente: la compromission indéniable, quoique qu'explicable ( sauvegarder la vie de sa belle-fille et de ses petits fils juifs) du musicien compromis avec le régime, sa proximité avec ses dignitaires, son poste officiel et éminent pendant ces années, la composition de l'hymne des jeux olympiques.
La collaboration ici est autre: celle qui unissait les deux grands hommes dans leur travail commun, leur parfaite entente artistique, leur intimité.
Si Strauss défend parfois courageusement Zweig (l'épisode de l'affiche de "La femme silencieuse"), sa motivation profonde apparaît: sa volonté de maintenir cette "collaboration" indispensable pour lui à la poursuite de son oeuvre, activité déterminante dans sa vie.
Grâce à Michel Aumont que l'on retrouve véritablement au sommet de son art, le personnage de Strauss acquiert avec lui une épaisseur et une densité qui rendent admirablement la complexité, les contradictions, les faiblesses et les grandeurs de l'homme , pitoyable et vieilli à la fin, face à la commission de dénazification.
Christiane Cohendy est sa partenaire idéale en épouse autoritaire, une ancienne soprano au caractère impérieux. Ils forment un couple parfait.
Didier Sandre me paraît, en Zweig, plus léger, superficiel. Quoique juste, il est moins convainquant.
On ne peut pas être déçu par des décors de Pace, et la mise en scène de Georges Werler sert aussi bien le texte que les comédiens.
Alors ces deux heures de théâtre passent comme un souffle, elles vous apportent un réel plaisir.
Face à un si bon travail, pourquoi ne pas reconnaître les indéniables qualités de cette soirée.
Aux orties les idées toutes faites.