La joie du début cèdera vite place à l' incrédulité et à la stupeur quand la joyeuse bande lui annoncera le véritable motif de la " visite" : obtenir la clé du coffre dans lequel sont enfermées leur copies qu'ils veulent corriger eux-mêmes.
L'effroyable nuit qui suivra verra s'affronter dans un terrible combat le cynisme et la violence des jeunes gens face à cette femme intègre qui voit s'effondrer les idéaux qui ont guidé toute sa vie.L'issue sera fatale aux protagonistes, tous sortiront vaincus de cette lutte sans merci.
D'effrayants sauvageons nous en avons croisés déjà: dans " Orange mécanique" de Stanley Kubrick, personne n'a oublié Alex et ses " droogs" ( amis ) violant une femme sous les yeux de son mari en écoutant " Singing in the rain" . En Angleterre, à l'époque ( 1971 ) le scandale fut si violent que l'auteur préféra retirer le film.
Au théâtre 14 , plus récemment " Punk Rock" la pièce de Simon Stephen , nous montrait des jeunes gens entrant à l'université. Par leur comportement ils conduiront à l'irréparable l'un des leurs (chronique de janvier 2014).
Didier Long qui signe cette mise en scène dirige à nouveau Myriam Boyer, l' inoubliable Madame Rosa de " La vie devant soi" . Face à elle, François Deblock incarne Volodia, chef de bande, terrible manipulateur, froid calculateur, qui domine ses copains: Vitia, Julien Crampon, le cancre alcoolique, Pacha, Gauthier Battoue, beau gosse amoureux de Lialia, Jeanne Ruff, jeune fille arriviste, consciente des avantages de sa beauté, qui finira " sacrifiée". Tous sincères et pleinement engagés.
Une jeunesse qui a perdu ses repères, dénuée de tout scrupule, que seule la soif dévorante de réussite sociale et matérielle motive, on la retrouve bien dans " Chère Elena" . Inscrite comme en creux dans un théâtre soviétique qui se veut " édifiant" et " porteur d'espoir" dans un monde où triomphe l'hypocrisie et la corruption, elle a le mérite de dénoncer crument ce que chacun feint d'ignorer. Directe, décrivant la situation de façon très réaliste, le style de l'auteur est fort éloigné d'un texte comme celui de Iouri Olecha dans sa si belle pièce " Un homme Inutile" montée par Sobel à la Colline en 2011 qui dénonçait aussi l'implacable règne du matérialisme dans une démonstration alliant burlesque, humour et désespoir (chronique octobre 2011). Deux œuvres aussitôt interdites par les autorités.
Aujourd'hui elles sont montées .
Seul progrès accompli.