Le spectacle, une commande de la S.A.C.D. (Société des Auteurs)
Il a été créé pour le Festival d’Avignon et repris jusqu’à l’été au Théâtre Bastille, lieu de bien des découvertes de ces dernières saisons.
En deux parties : Etat Premier, Etat second.
Plateau complètement nu.
Cheveux lissés, bien mis, chemise et cravate glissés dans son jean noir, un beau jeune homme surgit de l’arrière salle, trainant derrière lui un sac visiblement très lourd et sonore pour le déposer sur scène avant de repartir.
Ahanant, soufflant, précautionneux et concentrés, ils reviennent à deux : un homme grisonnant et plus enrobé mais la mise aussi soignée, participe à une délicate et hasardeuse opération :
Faire traverser toute la salle à un meuble énorme dissimulé dans son enveloppe de papier bulle, tel un objet fragile, pour parvenir enfin à le hisser, non sans efforts et difficultés sur le plateau.
Ce prélude muet et bruyant, aussi insolite que burlesque, précèdera la « mise en pièces » d’un buffet kitchissime surgi de ses voiles protecteurs que nos deux compères exécuteront, sans un mot, dans un duo à la Laurel et Hardy.
Effets visuels et contrastes irrésistibles entre le souple et gracieux Raphaël Cottin, « dansant » la démolition jusqu’à l’élégant lancé de boulet dévastateur,
Maladresse et raideur de Pierre Meunier s’essayant vainement à quelques gauches et vains assouplissements mais aux coups de hache rythmés, furieux et dévastateurs.
Saine jubilation de la destruction accomplie,
Rejet de toute forme de transmission,
Libération définitif de toute dépendance,
Telle est la symbolique de cette performance dont Le comique est la signature et la réalisation au cordeau.
Fin de l’Etat Premier.
Débute Etat Second.
De la même durée, avec cette fois séparée du public par un cordon fixé sur le plateau, recueillie et entièrement concentrée, absorbée par le sérieux de sa tâche, Margueritte Bordat disposera savamment sur scène tous les débris du buffet réduit en miettes, que Pierre Cottin lui passera par petits paquets.
Deux panneaux viennent cependant égayer l’aléatoire opération de « reconstruction », à laquelle le public peut participer s’il le désire :
« Chacun est libre de partir » suivi peu après par
« Le bar est aussi ouvert ».
Mort et renaissance,
Anéantir et recréer,
Actes fondamentaux.
Illustrés par Pierre Meunier, sans une réplique échangée entre les protagonistes, une impression de tendre dérision demeure.
Salutaire.