Après "La Mouette" et "Dom Juan" c'est de Britannicus qu'il s'agit.
Spectacle de très haute tenue et d'une élégance parfaitement maitrisée.
Impossible de ne pas s'attarder à la beauté d'un décor sobre et majestueux, seulement composé de hauts panneaux verticaux dessinant sur le plateau un monumental espace incurvé.
Au centre un simple rond d'eau suggère un bassin symbolique.
Au lever du rideau s'y déverse une pluie rompant le silence de son bruissement, seul faisceau lumineux dans cette semi obscurité.
S'impose aussitôt une atmosphère étrange et mystérieuse.
Ainsi débute cette tragédie sur les jeux du pouvoir, la soif de puissance, le sacrifice des âmes pures à l'ambition effrénée.
Dans les costumes de Jean-Marc Skatchko, intemporels et sobres, mais spectaculaires par le jeu des couleurs et la
noblesse des matières, baignés dans les lumières de Gilles Taschet, l'ensemble des interprètes nous font tous admirablement entendre chaque vers racinien: c'est pur et lumineux de précision.
Anne Benoit est une Agrippine possessive et intrigante au delà de toute mesure. Sa présence est impressionnante.
Néron, monstre en devenir (Alain Fromager) est idéal physiquement dans ses tics aussi mesurés que révélateurs, ses voltes faces, dévoilant un équilibre mental vacillant.
Mais il n'a pas la stature du rôle tout comme Eric Caruso, Britannicus.
Par sa beauté, sa jeunesse, sa justesse, Anne Suarez est une Junie très crédible.
Cependant entre elle et Britannicus on souhaiterait mieux percevoir les affres et les tourments d'un amour dévasté.
Magnifique en revanche Jean-Marie Winling en Burrhus, le ministre intègre qui donne un relief exceptionnel à son rôle, tout comme Agathe Rouiller en suivante, dont le récit du dénouement atteint un rare degré d'intensité dramatique.
Grégoire Oestermann, Narcisse, physique délicat et démarche feutrée, nous donne une subtile incarnation de la perfidie la plus abjecte.
D'une élégance toute aristocratique, en dépit du dérèglement des esprits et de la violence des sentiments, d'une tension toujours soutenue dans le déroulement et les rebondissements de l'action, d'une pureté jamais défaillante dans la diction des vers raciniens, cette mise en scène de Jean-Louis Martinelli est le fruit d'un travail parfaitement abouti.
Qu'il en soit remercié et félicité, la tragédie retrouve ici toute sa grandeur racinienne.