Dont les pièces vues à Paris : « Harper Reagan » dans cette salle avec Marina Foïs en 2011 et « Punk Rock » au Théâtre 14 en janvier 2013 révélait un jeune dramaturge remarquable alliant modernité et puissance dramatique (Lulu de 2011 et janvier 2013)
Déroutant, voire décevant, « Bluebird », parait bien convenu, presque mélodramatique, quasiment pompier, comparé aux pièces vues précédemment.
Une déception explicable pour une première pièce ?
Toute relativisée par la remarquable présence de Philippe Torreton.
A Londres, au coeur d’une nuit d’été étouffante, nous suivons Jimmy, chauffeur de taxi.
Au gré de ses « charges »,dans l’habitacle de sa voiture, les échanges avec ses clients deviennent de troublants révélateurs des fêlures, des drames, du vide de chacun.
Servant de déversoir, confident obligé de ses passagers, tour à tour indifférent, compatissant, ébranlé,
On découvre Jimmy hanté par l’impérieux besoin de joindre « Claire ».
Petit à petit, indifférence apparente, il livre des bribes de son histoire: la séparation d’avec sa femme, puis la mort de sa petite fille de sept ans.
Seule l’ultime scène, un face à face qui enfin réunit Claire et Jimmy, dévoilera la profondeur du drame.
Comme le dit Claire Devers dans sa note d’intention :
« L’histoire de Jimmy, c’est aussi le trajet d’une expiation ».
Nous n’en dirons pas davantage.
Philippe Torreton est Jimmy.
Au de-là du texte, son interprétation dans la scène finale aux côtés de Julie-Anne Roth, constitue un moment d’émotion d’une intensité telle que la paralysie soudain vous cloue à votre fauteuil.
Redevenu un « homme » par qui le pire est arrivé provoqué seulement par la peur panique de perdre ce qu’il chérissait par-dessus tout,
Face à Claire qui a reconstruit sa vie,
Un récit, des « aveux », une douleur, l’évocation de souvenirs déchirants.
D’une culpabilité exprimée enfin,
D’une nouvelle séparation d’avec Claire,
Poindra cependant une lueur de survie pour Jimmy.
Bravo à Claire Devers pour cette première mise en scène théâtrale.
Venant du cinéma, elle sait jouer des projections, des cadrages, de jeux d’angles et d’images captées dans le rétroviseur pour toutes les scènes dans la Nissan Bluebird qui « évolue » sur le plateau.
Sous sa direction, Serge Larivière, interprète d’un père désespéré, d’un videur agressif à bout de nerfs, et d’un mécanicien du métro philosophe à mourir de rire et la jeune Marie Rémond en jeune fille fugueuse révoltée, et professeur stérile en mal d’enfants donnent chacun tout leur relief à leurs différents personnages
Julie-Anne Roth, Claire combattive en dépit de son abandon, se montre également très émouvantes dans ses tourments et ses interrogations.
Ecrasant d’humanité anéantie, Philippe Torreton, après son décevant Arturo Ui, retrouve ici toute la grandeur de son Cyrano ou de son Don Juan.
Pardonnons à Simon Stephens une première pièce d’un jeune talent en puissance,
Saluons bas l’interprétation d’un immense comédien : Philippe Torreton.
A lui seul la soirée se justifie.