Mais poussée par la curiosité, ayant aussi en mémoire les merveilleux "Soliloques de Mariette" je m'aventure à La Tempête, intéressée de découvrir cette fois l'héroïne d'Albert Cohen, auteur auquel je voue une affection sans limite.
Ariane d'Auble: archétype de la HSP genevoise, comprenez Haute Société Protestante, est en d'autres termes un sommet de distinction, de discrétion, et d'élégance naturelle, bannissant tout artifice, le maquillage en particulier.
Qu'est-ce que le théâtre, sinon une INCARNATION ?
Alors imaginez le choc, quand surgit de la baignoire (identique à celle de Marat, entourée de draps mouillés, allez savoir pourquoi ?) une figure idéale de Madame Sans-Gène, l'intelligence en moins.
Ariane d'Auble, cette femme à la chevelure acajou flamboyant, aux lèvres aussi siliconées que carminées, à l'oeuil rond d'un vide abyssal et pourvue d'un nez tout sauf aristocratique ?
Insupportable à voir, déjà.
Minaudant, jouant exagérément d'effets de bras, de jambes, de renversementS de tête, qui inondent abondamment le plateau, émergeant de l'eau en robe de première communiante mouillée, collante, transparente, laissant voir slip et soutien-gorge, un cheveu sur la langue pour parfaire cette caricature.
Personnification pour le moins fâcheuse.
Ariane est trahie, un contre-sens au personnage.
Impossible alors d'entendre ses confidences, ni ses déboires conjugaux avec le pitoyable Adrien Deume, ni ses ébluissements face à son seigneur Solal, pas même son évocation de l'amour des bêtes qui fait penser à une Brigitte Bardot vieillissante dans sa croisade pour les animaux maltraitées.
Ce chef d'oeuvre massacré me révolte.
Belle du Seigneur ne peut courir pareil péril.
Retournons bien vite au silence recueilli de la lecture.
Préservons notre imagination de ces images vulgaires .
Retrouvons le charme intact d'Ariane