Ils sont jeunes.
Ils sont joyeux, ils s’aiment, sont croyants.
Déjà parents de quatre enfants, ils vivent dans une roulotte.
Leur extrême précarité pèse sur leur quotidien.
Al, vivote de petits boulots, taquine joliment sa guitare.
Wanda attend un cinquième bébé.
Dans le journal une annonce retient son attention.
Un couple cultivé cherche à accueillir, pour lui donner une belle vie, un bébé blanc né en bonne santé.
Acculés par la pauvreté, ces parents aimants vont répondre à l’annonce.
Passées la gêne et les maladresses de la première rencontre, une forme d’amitié s’instaure entre Wanda et Rachel.
Al tire parti autant qu’il le peut de cette « manne » dont il ne fait pas toujours l’usage prévu,
Rachel se montre parfois trop directive durant la grossesse de Wanda,
Forte de son expérience vécue, Wanda ne se laisse pas démonter,
L’écart social et culturel qui les sépare provoque des altercations,
Tous sont sincères. Leurs attitudes compréhensibles, leurs réactions explicables.
Au moment de la naissance, restent à accomplir les dernières formalités pendant qu’accouche Wanda.
Rachel est au comble du bonheur et de l’excitation.
Richard son mari est aussi là accompagné de son avocat.
Al les rejoint pour prendre des nouvelles de sa femme.
Dans cette chambre d’hôpital aseptisée, sous les lumières d’un blanc aveuglant, un dénouement imprévu terrible et bouleversant brisera chacun.
Pas question de vous dévoiler la fin.
La pièce de Jane Anderson parle d’adoption.
Sujet délicat, qui peut prêter à tous les débordements sentimentaux les plus faciles.
Rien de cela dans « Baby ».
Avec l’efficacité des pièces américaines qui souvent manquent de chair,
Profondément attachants, dans leurs antagonismes, leurs faiblesses, leur impuissance, leurs « bonnes intentions » comme leurs intérêts, les quatre personnages dépeints par l’auteur sont profondément humains, émouvants, authentiques, touchants.
La sensible Hélène Vincent signe une mise en scène très réussie.
Les deux décors de Tim Northam illustrent à merveille le radical changement d’atmosphère entre encombrement bon marché de la caravane et la blême nudité de la chambre d’hôpital.
Fraiche, ravissante, spontanée, Isabelle Carré prête toute sa grâce à cette mère d’une réelle tendresse, séduisante épouse qui fait au mieux dans sa situation.
Loin d’être motivée par le lucre,
Incapable d’envisager un avortement,
Eblouie par l’aisance matérielle de l’autre couple,
Sa décision n’est guidée que par le souci de donner une belle vie à cet enfant à naitre.
Nuancée, spontanée, délicieuse et attendrissante, cette comédienne accomplie souvent admirée sur scène, atteint ici à la perfection ;
C’est à Vincent Deniard que revient le rôle d’Al. Rude, corpulent, massif, brutal, sa force apparente contraste bien avec le personnage de Wanda.
Impeccable, déployant tous ses efforts pour se « rapprocher » de Wanda et Al, Camille Japy, auteur de l’adaptation, confère à Rachel la raideur du début à laquelle fait suite l’enthousiasme puis l’accablement quand s’effondre son rêve.
Bruno Solo, parfaitement rugueux, est Richard. Désireux de rendre sa femme heureuse, cependant moins motivée qu’elle et avant tout soucieux d’efficacité, a les côtés détestables de l’homme d’affaires que n’encombre aucune précaution oratoire.
Cyril Couton en habile avocat complète avec la « servilité » opportune une distribution impeccable.
Avec le « Livre de Ma Mère » à l’affiche à 19 heures,
L’atelier renoue avec une programmation digne de cette salle légendaire.
« Baby » est un spectacle à ne pas manquer.
Belles soirées en perspectives.