On était loin d’imaginer tomber dans pareille embuscade.
Réunissant un auteur dont les salutaires exécrations ragaillardissent allègrement : « L’Imprécateur » « Le Naufragé » « Des Arbres à Abattre » ont fait les délices de Lulu ;
Et une très grande interprète, Dominique Valadié, tant admirée récemment dans « Qui a peur de Virginia Woolf » et « Le Temps et la Chambre »
Ce spectacle s’imposait comme une priorité.
Il marque une ouverture de saison accablante.
Les premières minutes permettent tous les espoirs.
Dans une scénographie particulièrement soignée, les luminaires en boiseries modern-style le petit canapé, les rideaux qui ferment l’espace recréent une atmosphère cossue et chaleureuse à la fois.
Le personnage principal, Dominique Valadié, habillée en bourgeoise élégante, chemisier à cravate, jupe et manteau assortis dans un beau lainage châtaigne, devise avec sa fille qui s’affaire pour préparer leur départ annuel au bord de la mer.
Les premières minutes laissent planer de brèves illusions.
Dans un monologue qui se poursuivra presque tout au long de la représentation de deux longues heures, acerbe, réactionnaire, les critiques de la mère viseront tour à tour les travailleurs manuels devenus « nos exploiteurs » comme le jeune auteur dramatique qui « Couvre la scène de saletés, qu’est-ce d’autre que de la saleté ? » et qu’elle a justement invité dans leur lieu de villégiature.
Au fil du texte, face à une fille muette, elle dévidera sa vie.
Sortie de la misère par un riche mariage, elle est veuve d’un mari qu’elle haïssait sans pitié, presque infanticide d’un fils né malade et mort en bas âge, despotique envers sa fille cible permanente de son mépris.
L’aigreur désabusée, le ton monocorde, le manque de relief dans l’interprétation, la lenteur du récit, émoussent, atténuent jusqu’à étouffer chez le spectateur toute réaction face à ce récit pourtant terrifiant.
Déjà émoussée par cette première partie, dans la deuxièmes, les échanges entre la mère et le jeune auteur invité tournent aux propos oiseux sur la « création » son mécanisme, ses sources d’inspiration, la place de l’auteur dans la société.
D’un duel sans merci entre l’ogresse et sa proie, il ne se dégage qu’un ennui insupportable.
Très autobiographique, je ne saurais trancher sur les causes du désastre : direction d’acteur ? Roman incompatible avec son adaptation théâtrale ?
Je ne consacrerai pas davantage de mon temps pour une soirée qui n’a que trop duré.