Ils se connaissent depuis trente ans
Il suffira d’un tableau blanc pour qu’explose leur amitié.
Créée voici plus de vingt ans,
Déjà mise en scène par Patrick Kerbrat,
La pièce a connu depuis un succès mondial.
A Paris avant l’été, avec le plein accord de l’auteur,
Les TG STAN en ont donné une version géniale, à leur image, foutraque à souhait, à l’aune d’un sens aigu d’une dérision n’entamant en rien le côté profondément humain de ce conflit strictement masculin,
reprenant sous un prisme autrement original la cocasserie du trio classique, mari femme amant, du théâtre de boulevard.
Il faut dire que le sujet en est aussi surprenant :
Détonateur de l’affrontement, un tableau blanc.
Ulcéré par les remarques sarcastiques et méprisantes de son ami Marc qualifiant l’œuvre de « merde blanche »,
Serge, particulièrement satisfait de son acquisition ruineuse, S’offusque du conformisme réactionnaire de son ami.
Quant à leur copain Yvan, sympathique garçon empêtré dans de récurrentes difficultés de sa vie privée, prudent et pris entre deux feux,
Ses demi- acquiescements achèvent d’envenimer la situation jusqu’à la faire exploser en affrontements ouverts entre les trois protagonistes.
Traits acérés, piques humiliantes, flèches empoisonnées fusent.
Les reproches sont amers,
L’invective intellectuelle,
Les rancoeurs recuites,
Les rosseries fatales,
Les situations décalées.
L’ironie ravageuse de Yasmina Reza fait mouche,
Snobisme esthétique égratigné, narcissisme éreinté, médiocrité dénoncée, jalousie exacerbée, psychanalyse brocardée.
Les hommes aussi savent « blesser ».
Yasmina Reza s’en donne à cœur joie.
Témoin de ces querelles au masculin,
Aussi virulentes que de féminines chamailleries,
Le public se délecte, s’esclaffe.
Le salon, blanc, cossu et épuré d’Edouard Laug, celui de la création, sert d’écrin à cette nouvelle distribution dominée par Jean-Pierre Daroussin.
Irrésistible dans le rôle d’ Yvan, cible de choix et impuissante tête de turc face aux deux autres protagonistes, qualifié d’ « Etre flasque, hybride » par Marc alors qu’il tente vainement de jouer les conciliateurs,
Le comédien suscite l’enthousiasme général avec le pathétique comique du récit de la rédaction de son faire-part de mariage comme la lecture de ses notes prises chez son psychanalyste.
Charles Berling, un peu raide, Alain Fromager forçant parfois la note, complètent le trio avec l’efficacité voulue.
Parfaitement souligné dans la mise en scène de Patrice Kerbrat,
Cette fois encore, le comique de la pièce prend tout son relief.
Une reprise dont le succès triomphal interdit de douter.