C’est bien le trouble qui prévaut ici.
Déjà présents sur le plateau, suivant une tradition établie, Frank Vercruyssen accueille les spectateurs à l’entrée de la salle ;
Sur le côté, assise sur les marches d’un escalier menant aux cintres, Georgia Scalliet, texte à la main, semble chercher un objet perdu.
Au milieu du plateau, une sobre banquette marron,
A chaque extrémité, un bureau.
Décor, sobre, aseptisé, à l’opposé de l’habituel bric-à-brac de STAN
Nous sommes en présence de Vogler, célèbre metteur en scène, alias Bergman, et d’Anna, jeune comédienne débutante, à laquelle il a confié le rôle principal du « Songe » de Strindberg.
Une pièce qu’il a déjà montée à plusieurs reprises, notamment avec Raquel, la mère d’Anna autrefois aimée.
A partir d’échanges sur le travail en cours,
Imbriqués entre jeu et sincérité, mensonges et confidences, manœuvres de séductions et rapports de force :
« Le théâtre c’est les embrouillaminis » déclare Vogler,
Les aveux d’ordre personnels,
Les tourments venant hanter chacun d’eux,
S’insinueront, entre les protagonistes.
Pour Vogler, le souvenir de Raquel, :
« Tu me rappelles parfois ta mère irrésistiblement »
Moment de soudaine et spectaculaire métamorphose d’Anna en Raquel dans une scène pathétique où à moitié ivre la comédienne supplie Vogler de lui redonner un rôle important,
La récurrente évocation du sens de son métier, de sa magie et des illusions par:
« Celui qui a besoin de croire que ses efforts ont un sens »
N’en demeure pas moins conscient de ses limites :
« Je viole Strindberg et la critique m’encense ».
Sa jalousie et la conscience de son vieillissement face au trouble amoureux inspiré par Anna,
Donnent encore lieu à un moment irrésistible entre un être conscient de sa décrépitude et les provocations de la jeune fille :
Est-ce qu’on peut coucher ensemble ? » lui déclare-t-elle sans ambages.
Ici le comique de Frank Vercruyssen atteint des sommets dans sa crise de jalousie envers le jeune assistant, amant d’Anna, comme dans sa lucidité et son sens de la dérision face à son tendre penchant pour la jeune comédienne.
« Je suis entièrement écrit » concède-t-il pour ajouter :
« Il ne se passe pas un jour sans que je pense à toi ».
Confidences qui parachèvent cet autoportrait sans fards ni concessions du réalisateur :
Avec la même virtuosité, éblouissant, fragile et résolue, docile ou provocatrice, en Anna, déchirante en Raquel, Georgia Scalliet, dans sa robe courte et son gilet noir, tel un elfe, passe avec fulgurance d’un registre à un autre diamétralement opposé.
Deux tempéraments,
Deux portraits impitoyables d’authenticité,
Un texte profond et comique à la foi
Tout l’art du théâtre et de la vie ici réunis.