Si j'ai boudé celle d'Anouilh au Vieux Colombier en tout début de saison, je ne pouvais manquer à Ivry le retour de la "palestinienne".
Cette fois je fus au rendez-vous.
L'impressionnante scénographie d'Yves Collet nous accueille.
Sur ce grand panneau de fond de scène, comme argenté, s'ouvrent et se ferment les portes de Thèbes qui laissent entrer et sortir les protagonistes.
Des carrés Op'art figurent les fenêtres, l'éclairage modulé jouant un rôle déterminant sur cette surface.
Au sol un plateau surélevé, ceinturé d'un large bandeau métallique, délimite l'espace où évoluent les personnages clé. Les autres protagonistes se cantonnent en bordure, légèrement en contrebas de ce plateau.
Stylisée et spectaculaire, cette scénographie est une réussite, comme la première scène, où l'on porte sur des civières, enveloppés dans de blancs linceuls savamment drapés, les corps d'Etéocle et de Polénice tués dans leur combat fratricide.
Leurs soeurs éplorées, vêtues de noir et blanc, font leur entrée accompagnées de Créon, au son de la musique envoûtante du trio Joubran.
Mais très vite l'exaltation d'Eurydice et d'Antigone affaiblit la portée de leurs propos.
Le fanatisme d'Antigone, sa révolte proclamée face au diktat de Créon, sa détermination inébranlable dans son exécution qui ne peut que la conduire à sa perte, devraient nous émouvoir, son sacrifice nous paraître admirable.
Sans faiblir face à Créon qui la condamne, elle le défie même.
Arrivée au seuil de la mort elle clame son bonheur de quitter la vie, réconfortée par l'accomplissement des rites dûs au mort, qu'elle a célébré sau péril de sa vie par respect et fidélité.
Si elle a transgressé la loi, défié l'autorité des hommes, le pouvoir de la force l'aura anéantie.
Son anéantissement sera sa victoire.
Créon le despote insensible aux exhortations de son fils Hémon, fiancé d'Antigone, sourd aux prédictions du devin Tirésias, découvrira coup sur coup le suicide de son fils suivi de celui de son épouse, et verra le peuple se soulever pour le chasser du pouvoir.
Il sera trop tard pour comprendre ses erreurs.
La tragédie s'est accomplie dans son implacable cruauté.
Le fanatisme d'Antigone, le son guttural de la langue arabe, comme l'accompagnement musical et les poèmes de Mahmoud Darwich qui viennent ponctuer les scènes, sont bien, à mes yeux, l' illustration du problème palestinien.
Anouilh en son temps, pendant l'occupation ,avait déjà détourné cette tragédie.
Mais à défendre le particulier, l'universel s'impose et triomphe.
Car il s'agit bien d'un drame tristement éternel, celui des peuples opprimés, des pays occupés, de toutes les dictatures et de n'importe quelle tyrannie.
Face à la beauté de la scénographie, les acteurs de cette troupe sont très décevants (à l'exception du garde du cimetière à la présence et au comique indéniable), grandiloquents; ils confèrent à leurs personnages une telle emphase qu'ils finissent par paraître.... fictifs en dépit de leurs costumes contemporains.
Ils anéantissent la mise en scène sobre et dépouillée d'Adel Hakim.
Seule demeure l'image du décor.