« La Cerisaie » de Tchékhov mise en scène par Christian Benedetti,
Dernièrement, « Le livre de ma Mère » d’après Albert Cohen interprété par Patrick Timsit,
En constituent quelques récentes illustrations.
Avec l’évidence de son authenticité profonde et bouleversante, « Vous n’aurez pas Ma Haine » s’inscrit d’autorité dans la lignée des très grands moments que le théâtre nous réserve.
Raphaël Personnaz, sobre, jeune et beau est l’interprète admirable d’Antoine Leiris dont la femme a été assassinée au Bataclan le 13 novembre 2015.
Seul avec son petit garçon de dix-sept mois, inconsolable, il nous livre le témoignage du cataclysme qui a « explosé » dans sa vie, récit écrasant de charge émotionnelle.
Cri de douleur, cri d’amour, quand il évoque l’être aimé,
Aux assassins d’Hélène, ces « Ames mortes » auxquelles il s’adresse, il dit : »Je ne vous ferai pas le cadeau de vous haïr », et ajoute : « répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui fait de vous ce que vous êtes ».
Si l’écriture n’est pas une thérapie, elle est pour lui une « parenthèse dans le chagrin ».
Sans jamais se laisser aveugler par la colère, Antoine décrit chacun des moments vécus dans les journées qui ont suivi le drame.
Les événements s’enchainent, terribles, déchirants, décrits sans jamais perdre sa lucidité. L’humour, la dérision, le doute affleurent aussi dans ce récit d’une force poignante,
Souffrance intense comme l’amour qui liait ces deux êtres,
Craintes aussi vives que l’affection portée à cet enfant auquel il faut expliquer l’irrémédiable perte.
l’angoisse de l’attente, l’annonce de la mort de sa femme, la visite à la morgue, l’ironie face aux gilets jaunes du soutien psychologiques, les soins prodigués au petit Melvil , son rejet des soupes maison cuisinées avec affection par les mamans de la crèche, le regard des autres, la rencontre avec l’ami réchappé, le choix des vêtements pour l’enterrement de la défunte, enfin la visite au cimetière seul avec son fils le lendemain des obsèques, nous font vivre tous les moments d’une épreuve qui sonne tel un bouleversant hymne à l’amour, comme sa conclusion quand l’enfant reprend sur la tombe de sa maman la photo d’eux deux pour la ramener à la maison :
« Nous sommes trois, nous serons toujours trois » conclue Antoine.
La sobre mise en scène de Benjamin Guillard, la composition musicale d’Antoine Sahler qui rythme le récit, suffisent à souligner l’interprétation dénuée de tout pathos, parfaitement retenue de Raphaël Personnaz qui nuance et module avec pudeur son jeu,
Sait nous toucher aux larmes et même, nous faire sourire.
Sans morbidité aucune,
Dénué de toute agressivité,
Par de-là les états d’âmes affectés,
L’essence de la tragédie.
Hymne à l’amour,
Hymne à la vie,
Fulgurance de la douleur
Etreinte de l’émotion,
Au –delà du théâtre….
Déchirant vraiment.