Une série de LULUS DORT ont sanctionné sans appel tour à tour « La Tempête » de Carsen, « Macbeth » de Braunschweig et « Timon d’Athènes » de Duclan Donnelan, toutes assassines, exécrables mises en scène.
La Compagnie Forced Enterainment, imaginative et irrévérencieuse, s’engage sur une toute autre voie :
Inattendue, surprenante, teintée de poésie comme puissamment évocatrice.
Aux oubliettes les vers du dramaturge.
De même pour les costumes et les décors.
Sans même parler des comédiens.
Un seul acteur, chemise et pantalon noir vous attend sur le plateau.
De chaque côté des étagères. Dessus, soigneusement rangées, toutes sortes de bouteilles de sauces, de condiments, d’objets usuels pour la table.
La table de cuisine, bien sûr, ou plutôt la scène, devant laquelle s’assied le comédien.
Titus Britannicus, peut débuter.
C’est une histoire dite dans un anglais impeccable mais parfaitement compréhensible que nous allons entendre.
« Le Récit » du drame, un résumé de la pièce avec l’intervention, pour incarner les nombreux personnages, d’insolites personnifications.
Force sac de pommes de terre ou citrons pour des foules en colère, bouteilles de ketchup, gobelets de carton, bougeoirs en verre, petites salières, tube de shampoing en protagonistes se manipulent, se croisent, s’entrechoquent, s’embrassent, supplient, se lamentent, disparaissent prestement.
Un régal absolu.
Une transposition à travers ces marionnettes qui n’en sont pas d’une rare justesse.
Certes on rit, beaucoup
Mais aussi on perçoit comme jamais le côté « gore » de Shakespeare.
Rivalités pour le pouvoir, ambitions inassouvies, complot, trahisons, amours contrariés, bas instincts, vengeances implacables,
Provoquent d’interminables successions de meurtres, viols, mutilations, voire repas cannibale.
Un paroxysme d’horreurs,
De très nombreux protagonistes.
Un seul survivant.
Eclairage formidable.
L’illustration parfaite du dédain du Grand Siècle pour le dramaturge :
Inconvenants vraiment ces meurtres en série et en direct sur scène, ces litres de sang répandus.
Il faudra attendre le XIXe siècle des Romantiques pour la redécouverte de Shakespeare en France.
Aujourd’hui, loin de toutes ces relectures insupportables,
Véritablement originale la version proposée par Forced Entertainment.
Un éclairage inattendu pétri de charme, fourmillant d’idées.
Un court et rare moment de plaisir.