Regrettable essoufflement.
Un mauvais refroidissement l’ayant contrainte d’ annuler sa venue au Théâtre Bastille
La programmation de « Sopro » à La Garance à Cavaillon, après sa création en Avignon et sa venue à Paris,
Offrait à Lulu l’occasion de combler une lacune « indépendante de sa volonté ».
Sur cette belle scène nationale, à la programmation souvent exigeante,
Prend place la poétique scénographie de Thomas Walgrave qui signe aussi les lumières :
D’un plancher à l’ancienne, surgissent quelques branches de lys, un beau Ficus,
Des rideaux d’un blanc éclatant entourent le plateau,
Une méridienne recouverte de velours rouge en compose l’unique meuble.
Une dame en noir, silhouette massive, cheveux gris coupés court, texte à la main, arpente le plateau pour ne plus le quitter. Sans que jamais on ne l’entende vraiment, une ombre omniprésente.
Elle EST la « souffleuse » personnage à jamais invisible du public, auquel l’auteur consacre sa pièce.
Tout commence par une conversation : un jeune metteur en scène doit renoncer au spectacle en préparation.
A la recherche d’un nouveau projet, il propose à la souffleuse du théâtre une idée qui lui semble absurde : paraitre seule en scène, en pleine lumière, dans un théâtre en ruines, pour évoquer ses souvenirs, l’histoire d’un théâtre disparu.
L’idée enfin acceptée, notre souffleuse, sera interprété par deux jeunes comédiennes qui seront la récitante ou le personnage.
Devant elles, prendront la parole d’autres comédiens, vivantes réincarnations de cette chronique émaillée d’épisodes où vie privée, carrières, incidents professionnels se fondent, s’entrecroisent, se mêlent, se chevauchent, s’intercalent.
Incessant et subtil jeu de basculements et de miroirs,
Traversées d’émotions les plus contrastées,
Egarant le public entre « réalité » et « représentation théâtrale »,
Pour ne plus former que du « Vécu ».
Le comique l’acteur « Verchinine ». Incapable de mémoriser ses textes, nous régale de la plus fantaisiste tirade d’Hapagon ; amant de la directrice follement éprise, on le découvre aussi dans toute sa lâcheté dans une troublante scène de répétition avec elle pour partenaire.
Un passage des « Trois Sœurs » de Tchékhov, l’adieu de l’officier qui quitte la ville, atteint au tragique des plus déchirants.
Il préfigure une scène aussi terrible : l’annonce, avec beaucoup de précautions, du diagnostique de la maladie fatale à sa patiente : la directrice du théâtre qu’on retrouvera, se sachant condamnée, dans la tirade d’adieu de « Bérénice ».
Exercice parfaitement maitrisé dans tous les passages cités,
Il touche, émeut, divertit avec un art consommé.
Touchantes et émouvantes célébration du « métier » ?
La démonstration a ses limites.
Se perdant,
Au début, dans un jeu inutilement prolongé entre les deux souffleuses, la narratrice et son interprète,
Puis sur la fin, dans l’interminable et fastidieuse péroraison du metteur en scène,
Le spectacle parait interminable.
Une « ode » transformée en « pensum » ;
Tiago Rodrigues semble en avoir conscience,
Il fait dire à son personnage : « Mon directeur a beaucoup de mal à terminer ses pièces »
Que n’écoute-t-il pas la voix inspirée de sa « souffleuse ».