Rencontre de génie.
A l’image d’un Lev Dodin ou d’un Declan Donnellan, on ne peut que déplorer l’extrême brièveté de la présence sur nos scènes de Toni Servillo.
Présentée à l’occasion de Festival Italien, la programmation d’ «Elvira 40» n’aura duré qu’une semaine.
Lulu a assisté à la dernière.
La qualité de la soirée justifie cette chronique.
Théâtre sur le théâtre «Elvira 40» est tirée des cours donnés par Louis Jouvet au Conservatoire, sténographiés à sa demande par sa secrétaire Charlotte Delbo.
Nous sommes en 1940. Dans une salle nue, Jouvet dirige une jeune comédienne dans la scène la supplique qu’elle adresse à Don Juan.
Bien que joué en italien sans les intonations si caractéristiques de l’ancien bègue, Toni Servillo est saisissant d’authenticité, bouleversant d’intensité.
Subjugués, nous suivons son interprétation d’un homme d’engagement total.
Un sens du théâtre vécu tel un sacerdoce au service de son art, une analyse de la pièce véritablement admirable de profondeur, une exigence implacable envers sa jeune élève nous donne la mesure de cet être d’absolu, fascinant d’intelligence du texte, exemplaire de probité artistique.
Propos sur Molière, explication de la démarche d’Elvire, sens de la pièce, se justifient magistralement comme cette volonté inébranlable d’obtenir du comédien une totale sincérité d’émotion « qui vienne des tripes», dépourvue de tout orgueil.
Dans cet univers, face à l’importance accordée à tant d’imposteurs artificiels et prétentieux,
Eblouissants de noblesse, Toni Servillo et Louis Jouvet :
Véritable aristocratie du Théâtre.
Après ces mois de travail intense, Premier Prix de Comédie et de Tragédie du Conservatoire, à cause de ses origines juives, la jeune comédienne sera aussitôt interdite de scène.
Louis Jouvet passera la guerre en Amérique du Sud.
Dans le silence et l’obscurité, le dénouement s’inscrit sur un simple panneau.
Ainsi se justifie le titre.
L’abnégation de leur travail en tire toute sa résonnance.