Les Estivants de Gorki, Mademoiselle Else de Schnitzler, Trahison de Pinter, La Cerisaie de Tchékhov et Onomatopées en collaboration avec Dood Paard, aussi créateurs de My Dinner with André et l’Homme au Crâne Rasé.
Pas une chronique de Lulu qui n’ait été enthousiaste (à l’exception La Cerisaie).
Mes souvenirs d »Art » remontent à sa création en 1994, avec Pierre Arditi, Pierre Vaneck et Michel Blanc (que j’attendais en remplacement de Fabrice Lucchini, ne vous en déplaise) à La Comédie des Champs Elysées.
Pour mémoire rappelons le thème de la pièce : comment autour d’un simple tableau blanc éclate l’amitié de trois bons copains.
Traduit en pas moins de trente-deux langues, un succès devenu depuis « universel », jamais démenti.
Certes lointaine, l’impression de vanité blessée, de cruauté, de critique corrosive, est restée vive.
Avec l’accord de l’auteur aussi tombée sous le charme, nos flamands à nouveau réunis n’ont pas trahi leur signature.
Le foutraque et le burlesque s’installent aussitôt les trois personnages entrant sur un plateau nu. Ils tirent péniblement, tels des campeurs ou des déménageurs, une remorque chargée d’un grand panneau dissimulé sous une bâche, de caisses en plastique d’où émergeront divers objets hétéroclites, d’anciens projecteurs trouvés aux puces, de vilaines chaises pliantes en métal.
Bienvenue dans l’univers des flamands.
Oubliez le décor du salon moderne, minimaliste, aseptisé de Serge recevant chez lui ses deux amis.
Observez plutôt nos trois énergumènes.
L’un arrive en tenue de motard : Marc, l’inénarrable Frank Vercruyssen, l’ami éruptif qui qualifie de « Merde blanche » le tableau découvert ;
Serge, Kuno Baker, le collectionneur silhouette sportive, crâne rasé, arbore un survêtement bleu vif, et enfile avec force gesticulations ses gants blancs pour manipuler précautionneusement sa récente acquisition. Rictus figé, sourire forcé dissimulent difficilement déception, exaspération, colère, face à « l’incompréhension » de ses amis.
Longiligne, immense, cheveu en pétard, chemise rouge et cravate noire, Gillis Biesheuvel est Yvan se débattant perpétuellement entre ses problèmes personnels, un prochain mariage source d’infinies complications, et sa recherche désespérée d’apaisement.
Dégingandé, mine éberluée, poussé à bout par sa situation, ce garçon « Tolérant, ce qui est le pire défaut dans les rapports humains » comme le définit, en tonnant, Marc, provoque l’hilarité générale du public.
Moins acide, caustique, aigre qu’à l’origine,
Imprégnée de la chaleur et de la rugosité de cet inimitable accent, avec le jeu des interprètes, désabusés, indignés, révoltés,
La pièce gagne en humanité, les blessures en profondeur, les conflits en violence.
Pour nous adeptes de longue date, plus réservés que précédemment,
Comme une imperceptible sensation de déjà- vu.
Nous ne voudrions pas gâcher le plaisir d’une salle au comble de la félicité.
Pour beaucoup l’occasion de découvrir enfin ces deux compagnies,
Et une pièce qui n’a pas vieilli.