L’exercice est périlleux.
Sur scène, capter et soutenir l’attention du public à partir d’un livre est un pari dangereux.
Anne Rotenberg, directrice artistique du Festival des Lettres de Grignan pendant quatorze années et initiatrice de cette nouvelle manifestation, en connait tous les pièges.
Nulle mieux qu’elle ne sait les déjouer.
Elle vient de nous en donner une nouvelle illustration.
Avec l’exil pour thème, d’actualité, de cette première édition,
« Album de là-bas » de Jeannine Worms figurait très justement au programme.
Dans cet unique œuvre autobiographique, la femme de lettre, romancière, essayiste, dramaturge, y évoque ses souvenirs d’exil en Amérique du Sud durant la seconde guerre mondiale.
Projetée dans un monde inconnu, auquel il lui est impossible de s’identifier, elle y reste « en marge », dans l’impossibilité de s’assimiler à cette société dont elle ne s’interdit pas de critiquer avec férocité bien des aspects.
Le retour, tant attendu, enfin arrivé, n’en sera que plus douloureux.
Coupée à nouveau de ceux qu’elle croyait retrouver,
Joie aussitôt éteinte à cause d’une absence à jamais reprochée.
Dans l’excellente adaptation de Gérard Bonal, avec juste une table soigneusement dressée sur le plateau, Claire Chazal, frêle silhouette nus pieds, tout en noir, apporte toute sa finesse, sa retenue et sa profonde sensibilité à un texte auquel elle a su donner tout son relief, sa causticité parfois, son intensité dramatique, la force de son dénouement dramatique.
Là-Bas l’incompréhension, ici l’ostracisme,
Un sentiment d’exil partout et toujours.