Ni costume, ni décor. Tee-shirts, marcels, ou simples justes au corps jouant sur des effets de taches colorées habillent les interprètes.
Portés aussi bien par les hommes que par les femmes, de longs gants, blancs, ou de couleurs vives, rose fuchsia, orange vif, ou jaune canari constituent les uniques accessoires du spectacle.
Cela débute dans le silence, seul coupé par la respiration haletante des interprètes.
Justes au corps noir, longs gants blancs focalisant les regards, trois danseurs se livrent à une démonstration de figures classiques, exécutées à la vitesse d’un film en accéléré, ponctuée de claques sur les torses ou les cuisses, secoués de saccades, agrémentées de torsions, de pieds flex ou pliés en dedans.
Catalogue exhaustif certes, mais juste un catalogue. Froid, trop long.
Dans la même veine, pas de changements notables dans les pièces suivantes, dont un solo de fille, « classique », accompagné de quelques notes de piano aigrelettes, de Morton-Feldman.
Remarquée cependant, la présence d’un garçon, gants écrevisse, pieds bouton d’or, réunissant aisance confondante et liés remarquables. Un interprète venu du « break-rance ».
Une apothéose humoristique, vient heureusement conclure cette première partie aride.
Ébouriffant de virtuosité, désopilant de complicité, un duo de garçons, Brigel Gjorka et Riley Watts.
L’un surmonté d’une touffe de cheveux jais dressée sur son crâne, l’autre coupe à raz, le premier en marcel extra large et pantalon de jogging l’autre torse moulé et collants grenat.
Ce couple improbable se livre, se donne , se mesure, se défie, rivalise avec un bonheur égal.
Courses, acrobaties chorégraphiques, difficultés techniques se succèdent, se superposent, se mélangent.
Dénué de toute misogynie, il faut le souligner, ce savant dosage de caricatures féminines ne saurait mieux illustrer l’affirmation de Forsythe :
« Une pièce basée sur la technique classique est neutre sur le plan du genre ».
A l’origine « Duo » a été dansé par deux femmes.
Ces deux garçons le porte au nadir de la cocasserie et de la perfection.
Sur un plateau toujours nu, la musique de Rameau, suite d’Hippolyte et Aricie, vient très agréablement illustrer la deuxième partie du spectacle.
le premier ballet voit s’agiter, vifs comme l’éclair, les danseurs tels des taches de couleur éclaboussant l ‘espace.
Suit un duo, sans grand intérêt entre une fille coiffée d’une casquette de jockey et son cavalier arborant de longs gants fuchsia ;
Un mouvement lent, d’une grâce infinie, nous permet de retrouver le merveilleux danseur déjà remarqué en fin de première partie, sa partenaire hélas fort dépourvue de semblables qualités.
En fond de scène, deux garçons concentrent notre attention enchaînant d’incroyables entremêlements de bras.
Exécuté consciencieusement par un couple, le pas de deux suivant, classique, n’offre guère d’originalité , ni ne provoque quelconque émotion.
Incursion aussi brève que magistrale, le solo époustouflant d’un garçon aussi remarqué en première partie, déchaîne à juste titre les applaudissements du public.
Un autre passage « pianissimo », toujours de Rameau, accompagne une belle chorégraphie pour un solo féminin. L’interprétation cette fois encore « propre » « juste », mais impersonnelle.
Le retour sur scène, à ses côtés, de Rauf Yasit, venant du « breakdance » électrise le public.
Indescriptible d’inventivités acrobatiques, de vitesse d’exécution, sa performance associe sautillements au sol et imbrications impossibles de bras et jambes. Étourdissant.
Voilà bien les moments forts de ce spectacle encensé par la critique, se jouant à guichets fermés.
Cette synthèse, ou l’analyse de liens depuis le baroque jusqu’au breakdance voulue par Forsythe laisse la part belle aux garçons. Dans leur ensemble excellents, on ne s’en plaindra pas.
Une démonstration aux résultats cependant inégaux,
Réserve confirmée par mon exquise voisine, danseuse étoile à l’Opéra de Paris,
caution dont Lulu s’enorgueillit sans pudeur.