Débutée dans la touffeur de Manhattan avec West Side Story à la Seine musicale, (terminé le 12 novembre)
Ce voyage chorégraphique s’est poursuivi dans l’ambiance sévillane de la troisième Biennale d’art flamenco (jusqu’au 25 novembre à Chaillot).
A l’occasion du cinquantenaire de la plus célèbre des comédies musicales de Broadway, West Side Story vient d’être reprise dans sa version originale à La Seine Musicale, nouvelle salle de l’Ile Seguin.
Une production allemande, interprétée en anglais.
Un spectacle parfaitement réglé, huilé, rodé.
Des interprètes tous venus d’Amérique.
Ni la musique de Leonard Bernstein ni la chorégraphie de Jerome Robbins ni les « lyrics », en français : chansons, de Stephen Sondheim n’accusent leur âge…respectable.
L’action se déroule avec une très belle utilisation de déplacement pour les fameux escaliers de secours des immeubles new-yorkais signés Paul Gallis. Ils ouvrent, encadrent, débouchent sur les différents lieux de l’action suggérés avec une intelligente économie de décor supplémentaire.
Savamment dosées, les lumières de Peter Halbsgut viennent renforcer l’ambiance de chacune des situations.
Troupe de garçons impeccables, souples, nerveux, précis, puissants.
Très « pros » aussi les filles même si les portoricaines pourraient dégager un plus de sensualité.
Nathalie Ballenger est une Maria toute fine et délicate, sans aucune mièvrerie.
Lauréate du Prix Lotte Lenya, sa voix ne manque pas de puissance, son interprétation de présence.
De même, Kevin Hack en Tony a le physique du rôle. Sa voix change parfois curieusement de registre ;
Si l’on a plaisir à entendre les claquements de doigts de « Crazy boy », à suivre l’affrontement de la bagarre fatale, le mambo des Sharks m’a semblé bien assagi.
Immensité de la salle ?
Éloignement de la scène cependant parfaitement visible ?
Absence de l’effet de surprise ?
Montée de la tension insuffisamment palpable ?
Production trop « aseptisée » ? « Homogénéisée » ?
Je ne saurais à quoi attribuer ma relative déception.
D. Quixote d’Andrès Marin.
Chevalier à la Triste Figure.
Andrès Marin n’a jamais craint de se mettre en danger, d’affronter d’autres univers dans sa volonté farouche de faire évoluer son art, le flamenco.
Magistral, Impérial, Glorieux il l’était aussi bien seul en scène dans « Hermetico » ou face aux musiciens indiens et en compagnie de Kader Attou dans « Yatra ».
Spectacles éblouissants, prenants, telluriques qui nous ont valu nos plus beaux moments de flamenco depuis la disparition d’Antonio Gades.
A ne reculer devant aucun risque pour exprimer ses états d’âmes, se comparant lui-même au héros de Cervantès dans ses rêves les plus fous, cette collaboration avec le metteur en scène Laurent Berger marque cette fois les limites d’un périlleux exercice.
Peu, pas de narration.
Vidéos, projection d’images publicitaires anciennes ou de taureau filmés courant dans l’arène ; textes sur écran, guitares électriques et musique techno accompagnent le spectacle.
Un flamenco illustré par le sport, sur skate board, pour escrimeurs, joueurs de foot-ball américain, ou mains en gants de boxe.
Ses partenaires Patricia Guerrero et Abel Harana en marcel et flottant,
Andrès Marin barbe carré (postiche ?) et petit chignon au sommet du crâne, parfois ceint de l’armure ou portant le casque, au final nu et le corps recouvert de peinture noire coiffé d’une crête d’iroquois lumineuse,
Se livrent tous trois à d’étranges démonstrations acrobatico- folkloriques d’où ne ressortent qu’une impression de recherche creuse en dépit d’une ambition affichée de « s’inscrire dans le présent ».
Surgissent au détour de ces curieuses gesticulations, fugaces météores, de rares, trop rares éclats, fulgurances éphémères d’un feu éteint :pur Andrès Marin, un geste des bras tranchant comme la lame, un port d’aigle royal, un claquement de talon définitif.
Une salle debout, électrifiée d’enthousiasme avait acclamé « Yatra ».
Clairsemé le public de Chaillot a juste salué D. Quixote.
Un comble, Lulu s’est ennuyée.
Andrès Marin artiste soudain incompris ou fourvoyé ?