Leur préférant les valeurs sures Lulu s’est prudemment épargnée d’autres aventures douteuses programmées lors de cette troisième Biennale où le renouveau atteint les extrêmes les plus déroutants.
José Galvan.
Petit, rondouillard et râblé, un demi-siècle de pratique débutée dès l’âge de douze ans n’ont en rien entamé le feu intact de José Galvan.
Ce dimanche midi, perdue dans l’immensité du grand foyer, à la lumière blafarde d’une journée d’automne sous la pluie et l’omniprésence de Dame Tout Eiffel en fond de décor, une estrade installée dos à la Seine,
Un gobelet de sangria et quelques tapas ne pouvaient suffire à réchauffer ce cadre glacial pour un « Tablao ».
A l’ouverture, quatre jeunes, un garçon et trois filles dont la sincérité ne fait pas de doute, paraissent encore un peu « verts » dans leur démonstration en groupe ou solo.
Enchainent, plus profondes, plus vibrantes, la voix et la guitare de Juan Toro et Carlos Ayala.
C’est avec Carmela de Jerez, volume phénoménal enveloppé d’une robe bleu dur agrémenté d’un châle canari à grosses fleurs que la température s’élève.
Voix magnifique, une fois déchaussée elle s’aventure, pieds nus, à quelques entrechats d’une félinité déconcertante comme à de surprenants sautillements.
Alternant chant et danse, ne ménageant ni sa force ni son énergie dans sa longue prestation au final José Galvan nous comble.
A nos oreilles, sous nos yeux, retentissent et défilent tous les états d’âme flamenca : vibrante, déchirante ; hautaine, sensuelle ; désespérée, torride.
Envoutante palette déclinée avec ses ruptures magistrales et brutales, ses glissements félins, ses mouvements suggestifs, sa puissance animale.
Après les extravagances digressives de D.Quixote d’Andrès Marin vu l’avant-veille,
Au risque de vous paraitre conventionnelle,
José Galvan illumine ce « Tablao »,
Un coup de chaleur qui galvanise.
Rafela Carrasco « Ombres Portées ».
Femmes, Femmes, Femmes.
Flamenco narratif encore, « Nacida Sombra » autrement dit « Ombres Portées » évoque les écrits de quatre grandes figures du Siècle d’Or : Sainte Thérèse la première, Maria de Zayas, Maria Calderon, et Juana Inès de la Cruz. Quatre femmes « auteures», mystiques solitaires, comédiennes ou courtisanes, luttant contre l’ignorance dans laquelle la société les condamnait.
Une démonstration « politique » de plus :
Messages engagés, leurs lettres fictives projetées sur écran et lues à voix haute accompagnent chacun des tableaux.
Sauvée par ses interprètes, trois danseuses admirables, deux chanteurs et deux musiciens envoutants, la soirée recèle de véritables passages de grande beauté chorégraphique.
Rafaela Carrasco elle, se ménage.
Désavantagée par une curieuse robe de derviche tourneur coquelicot, elle se livre à une danse plus démonstrative qu’interprétée. Répétitifs, instaurant une sorte de monotonie, ses mouvements reviennent identiques dans chacune de ses interventions.
Son talent ici se manifeste dans l’excellence du choix de ses partenaires.
Accompagnateurs formidables : Antonio Campos et Miguel Ortega, chant, Juan Antonio Suarez, « Cano », Jesus Torres, guitares ;
Meilleures danseuses vues lors de cette Biennale : Carmen Angulo, Paula Comitre, Florencia O’ Ryan.
Si une douce musique de jazz ne semble pas le meilleur accompagnement pour une danse heurtée, quand reviennent sur scène pour les encourager les musiciens espagnols, explose soudain un feu intérieur ressenti, exprimé par tous.
Démones ou chattes, capables des déhanchements les plus agressifs comme d’un tendu de cou pied des plus exquis, de mouvements de poignets et doigts d’une grâce infinie, comme de claquements de talons telluriques, renversements vertigineux, tournoiements étourdissants, relevés de jupe, jeux de châle : dans chacun des portraits interprété, réunies ou en solo, ces trois danseuses transcendent et magnifient la danse.
Quelques moments d’intensité.
Le meilleur de cet Biennale.