Deux plans définissent l’action : l’amour, la tyrannie.
Dans mes souvenirs je garde ineffaçables, l’interprétation filmée avec Callas à Londres, et la retransmission en direct depuis Rome, sur les lieux mêmes de l’action, celle de la télévision sans oublier le film de Benoit Jaquot. Pas toujours récent … Des versions scéniques, aucune ne m’a laissé de souvenir impérissable.
L’Opéra Bastille nous offre une nouvelle production. La précédente remontait à une vingtaine d’années.
C’est dire avec quelle impatience le monde des mélomanes parisiens attendaient cette « découverte ».
Autant vous prévenir, les amateurs de versions « révolutionnaires », de « relectures » en seront pour leurs frais.
Ne vous attendez pas à assister à une « Tosca » transposée dans je ne sais quel univers sorti tout droit de l’imagination sans bornes des metteurs en scène à la mode. Vous ne verrez pas davantage je de costumes extravagants sans rapport avec l’époque de l’action.
Des libertés sur le plateau, Pierre Audi, le metteur en scène, s’en est cependant autorisé.
La plus contestable est celle dernier acte. Un cadre bucolique remplace le toit du Palais Saint-Ange. Près d’un campement militaire symbolisé par une tente éclairée de l’intérieur, au milieu d’herbes folles où s’éveillent à l’aube les bergers de la campagne romaine, l’escadron se prépare. Ce tableau d’un réalisme pompier, dégage une impression plutôt kitch au détriment de l’intensité dramatique du moment.
Spectaculaire effet esthétique et idée beaucoup acceptable de la fin, plus poétique bien que moins violente que le traditionnel saut dans le vide, l’immense voile noir déployé depuis les cintres en vagues ondulantes derrière lequel va disparaitre Tosca, comme engloutie par ce nuage de deuil.
Pièce maitresse du travail de Pierre Audi, symbole omniprésent sur le plateau de Bastille, une croix gigantesque.
Utilisée en nef d’église au premier acte, elle sert de podium géant pour défilé ecclésial à la fin de celui-ci, pour planer à l’horizontal, sous différents éclairages, telle une menace permanente au-dessus de Tosca et Mario, signe évident de la collusion de l’église et du pouvoir, idée directive de cette nouvelle mise en scène.
Une photo du programme me faisait redouter le pire, je vous rassure aussitôt, le pari engagé est visuellement très réussi dans son ensemble.
Simplement, je regrette de voir ainsi résumée à une problématique d’asservissement et de domination cette œuvre débordant d’amour passionné, de jalousie, et de rêves brisés.
Pivot de cet opéra de Puccini, le deuxième acte est très convaincant dans son décor d’époque aux meubles directoire, aux parois concaves rouge pompéïen cerné de bleu aux extrémités, et percées d’ ouvertures coulissantes en son centre pour l’entrée des protagonistes. Théâtre dans le théâtre, le drame s’y déroule avec l’intensité requise, le plus beau moment de la soirée, malgré un Scarpia de George Gagnidze qui, ce soir-là, nous a fait regretter Ludovic Tezier, sur le plan vocal et dramatique.
Oksana Dyka, servie par sa présence scénique, interprète avec force et intensité sa Tosca.
Le Mario de Mario Berti possède physiquement la séduction de l’amant de Tosca, la puissance et la stature du héros résistant.
A la tête de l’orchestre de l’Opéra de Paris, Daniel Oren. Sa direction m’a permis de suivre de bout en bout, avec bonheur, cette musique si novatrice, submergeante .
Amateurs de sensationnel passez votre chemin, cette Tosca ne comblera pas vos attentes.
Lulu l’eût préférée moins politique, plus passionnelle.
Sa soirée n’en n’a pas moins été un beau moment d’opéra.