La chorégraphe Bianca Li n’y échappe pas : traité par l’évocation des éléments naturels, elle nous fait découvrir une suite de tableaux animés par le souffle de la vie et de la poésie, de l’énergie et de l’imagination.
Basée sur « Une Danse Transversale » ainsi que la définit la chorégraphe, un groupe de quatorze danseurs, garçons et filles, vêtus le plus souvent de simples culottes et soutien-gorge chair qui s’ornent de vaporeux pans de mousseline blanche quand soufflent les zéphyrs, pour se changer en noir dans le dernier tableau, déploient une énergie impressionnante dans les ensembles.
Des passages en duos ou solis offent à chacun l’occasion de démonstrations virtuoses proches du hip-hop, du défi acrobatique.
Sous velum immaculé, découpé en six bandes, qui s’abaisse ou s’élève, se gonfle ou s’écarte, faisant évoluer l’espace au-dessus des danseurs, retenu par des filins qui s’irisent parfois et scandent la verticalité, découpant au sol de lumineuses parcelles,
Cette scénographie fluide et très réussie de Pierre Attrait est complétée par les images et vidéos de Charles Carcopino.
Sur un plateau blanc aussi, mais au bord relevé en fond de scène, sous nos yeux les interprètes, déboulant, roulant, ployant, sautant, se métamorphosent véritablement et de façon spectaculaire en particules de tous ces éléments qu’ils parviennent à incarner de façon étonnante.
Ainsi la terre résonne-t-elle sous les frappes des talons et les claquements de mains en un ballet aussi rythmique que tellurique, les corps se transforment en houle sur les flots en colère, ploient dans l’air, voiles transparents claquant au vent, tels les arbres face aux ouragans ; un corps raidi par le gel disparait et ressurgit des masses compactes aux formes massives : les interprètes « empaquetés » dans l’étoffe lactescente des glaciers en marche.
La présence sur scène de Tao Gutierez, formidable musicien, percutant ses tambours avec autant de puissance qu’il pince délicatement les cordes de sa « cytare ? », chanteur à la voix profonde, vient encore renforcer le caractère d’authenticité originelle du spectacle.
Comme un point d’orgue, l’illustration de la fertilité dans l’avant-dernier tableau.
Produits par les seuls mouvements de mains du musicien dans un bassin, les bruissements de l’eau accompagnent la frappe de calebasses géantes tenues par chacun des danseurs dans toutes les figures de la séquence. Dépouillé, spectaculaire, prenant.
La conclusion se définit en noir : une poudre de charbon répandue au sol, lancée dans les airs, adhère aux dermes.
Sorte de confrontations entre deux groupes rivaux, de défis à relever entre bandes, encouragés de la voix par les protagonistes, individuellement ou en ensemble, chacun se mesure, fait montre de sa virtuosité, dynamisme intact, inaltérable vigueur.
Bianca Li signe avec Solstice une œuvre débordante de vie : ça pulse, ça palpite, ça vibre.
Elle a su fédérer des danseurs venus d’horizons différents,
Construire sans faillir un univers scénique parfaitement réussi,
Faire oublier quelques rares longueurs,
Pour nous entrainer dans son monde, débordant d’une saine vitalité.
Une soirée vivifiante.