Ils venaient pour la première fois à Paris,
Leur performance, la découverte d’un style véritable.
D’ « OCD Love », n’attendez ni légèreté, ni séduction.
Vous en ressortez marqué,
Groggy comme après un uppercut,
Sonné comme par un choc.
Elle, Sharon Eyal, vient de la Batsheva Dance Company dirigé par Ohad Naharin.
Lui, Gai Behar, en tant que producteur et acteur important de la vie nocturne de Tel-Aviv, a organisé de nombreux évènements pluridisciplinaires.
Ils collaborent depuis douze ans déjà.
Rythmé par un tic-tac de pendule ou des battements cardiaques, à peine audibles, la pièce commence par un solo de fille, maillot et mi-bas noirs, cuisses et bras nus.
Etirés à l’infini, ralentis au-delà du possible, la chorégraphie de cette première partie, avec ses gestes d’étouffements sur la gorge, comme ses cercles sur soi, distille aussitôt comme une sombre étrangeté renforcée par l’arrivée d’ un garçon suivi de quatre autres danseurs.
Débuté par des ralentis et isolements hypnotiques,
Sans transition, sur une musique à plein volume, fureur et rage provoquent, en ensembles, tressautements ou soubresauts paroxystiques dans une interminable danse folle, saccadée, mécanique.
A l’exclusion de toute douceur, défi, douleur, affrontement caractérisent les éphémères rencontres amoureuses toujours entre filles ou garçons.
Alignés, statiques, des bouches tordues sortent des cris muets,
Ou disséminés sur le plateau, la peur palpable dans les regards interrogateurs ;
En ligne, ils exécutent, tels des possédés, d’étranges pas courbés en deux, bras croisés dans le dos.
Les isolements atteignent au grandiose : frémissement imperceptible d’une épaule, déploiement tout en lenteur d’un bras, retournement délicat d’une main, dégagement ralenti à l’extrême d’une jambe,
De brefs et rares moments de grâce atteignent à l’ineffable,
La lascivité des garçons s’affichent sans pudeur,
La souffrance des filles est entêtante,
Les regards insistants ;
Provocateur, un danseur traverse la scène, travesti caressant son ventre arrondi.
Une ultime portée presque triomphale, précède le final.
Plongés dans une semi-obscurité, des ombres mouvantes quittent le plateau pour disparaitre.
Souffrances et malaises, possessions ou transes, violences et terreurs composent un spectacle aussi troublant qu’incroyablement virtuose.
Poussés à l’extrême, rarement pareil développement n’a marqué chacun des registres abordés,
Interprètes hors du commun, les danseurs, trois filles, trois garçons, dépassent la performance.
Sidérants, leur exécution tient au miracle, leur résistance relève de l’exploit, leur expressivité d’une forme de génie.
Après toutes les niaiseries de la saison,
Voilà cinquante minutes de danse qu’on n’est pas prêts d’oublier,
Il ne vous reste qu’à guetter leur prochain retour,
Et Ohad Naharin s’enorgueillir de sa brillante disciple.
Souffrance et malaise, transes et possession, terreurs et violences, composent un ballet aussi troublant qu’incroyablement virtuose.