Résiste au temps.
Aussitôt découvert, Lulu a suivi la plupart de ses spectacles donnés à Paris («Three» Lulu de juin 2017, «Last Work» et «Venezuela» Lulu de décembre 2018).
Créée à Jérusalem en 2011, la pièce entre aujourd’hui dans son intégralité au répertoire, interprétée par les danseurs de l’Opéra de Paris.
Pas de décor, seuls les espaces entre les panneaux blancs, disposés à cour et jardin, permettent entrées et sorties. Au-dessus, une rangée de projecteurs diffuse les éclairages. En fond de plateau un mur.
Pour les costumes, exception faite de l’apparition de garçons en longues jupes noires, et de deux ou trois filles sublimes dans leur une pièce dos nu ou collant vert d’eau ou cerise, tous les danseurs sont en culotte et maillot à bretelles, jouant de l’effet optique des différentes couleurs.
Cette pièce déjà ancienne illustre parfaitement tout le style d’Ohad Naharin.
Dans les solos, duos, trios, jusqu’aux ensembles,
L’énergie, caractéristique majeure du chorégraphe, rivalise avec une exquise sensualité, les oppositions avec l’harmonie totale, le rythme effréné avec les étirements ralentis à l’extrême,
La violence avec la douceur, la «trivialité» de certaines poses avec l’élégance maîtrisée.
Voilà les «champs» étudiés par Ohad Naharin, tout se percute, éclate s’affronte.
Les couples se forment, se défont, une foule anonyme se croise en s’ignorant, un groupe de fille dansent au rythme entraînant d’une musique pop contrastant avec l’interprète solitaire d’une chorégraphie tout en douceur sensuelle.
Les mouvements s’arrêtent brutalement. Une fille tape sur la poitrine du garçon comme pour le «réveiller» un élément solitaire s’agite face au groupe, un garçon main, dans les poches, s’égosille en son inarticulés, un homme traverse le plateau portant sur l’épaule un corps de femme sur l’épaule, les cris stridents d’une femme résonnent, ils font immanquablement penser au sept octobre, une rangée de garçons alignés frappent le sol des talons en exécutant «militairement» une gestuelle identique.
Ainsi «évoquées» par le chorégraphe, défilent dans ces séquences, nos pulsions, en émanent une force vitale qui palpite, se heurte, explose, se brise, pour recommencer jusqu’au superbe final baigné de lumières bleutées.
Sur le muret de fond de plateau, surgit un homme qui de dresse avant de se jeter dans le vide. Il sera suivi de tous les autres, qui se succèdent à l’identique.
Poétique saut de l’ange, ou suicide collectif ?
Conclusion en forme d’interrogation.
Projeté sur le mur défile le «générique».
Les applaudissements résonnent devant une scène définitivement vide.
Saisissant.