En remplacement de Chéreau décédé l’année dernière, Castellucci signe une mise en scène d’une puissante sobriété.
Pour définir l’atmosphère : deux couleurs suffiront.
Pour évoquer l’époque : ni carton-pâte, ni péplums.
Pour décor : un plateau nu derrières les voiles de front de scène. Des photos géantes de la montagne pour le délimiter au final.
Pour illustrer les concepts : des mots projetés sur un voile, un magnétophone puis un accélérateur de particules descendus des cintres, un taureau vivant, pour symboliser le veau d’or.
Splendide modernité.
A ne surtout pas confondre avec relecture.
Dépouillement et simplicité, lumières admirables et force des mouvements de foule (aussi esthétiques qu’expressifs) viennent sublimer l’œuvre de Schönberg, à l’exigence comparable à celle du prophète écrasé par sa tâche, désespérant de son impuissance.
Contrairement à la blancheur diaphane dans laquelle se dissout et se fond véritablement un peuple d’ombres impalpables, d’une saisissante beauté à au premier acte ;
Au deuxième acte, tout en noir, les flots bitumeux déversés sur l’ensemble des protagonistes, taureau inclus, ne constituent pas l’effet le plus spectaculaire.
Ascension ensevelie, escaladeurs disparus sous les toiles soudain décrochées du décor, comme Moïse sous un voile noir, composent un final dramatiquement parfait.
Et la musique me direz-vous, dans tout cela.
Dur le dodécaphonique !
C’était le lointain souvenir que je gardais de l’opéra vu il y a fort longtemps à Garnier.
Et absolument pas l’impression ressentie hier.
Chœurs, sous la direction de José Luis Basso, et orchestre sous la baguette de Philippe Jordan, nous ont fait entendre une partition bouleversante, une musique vibrante, dépouillée de tout coté « rebutant », si aisée, soudain, à pleinement apprécier avec Thomas Johannes Mayer, Moïse, et John Graham-Hall, Aron, des interprètes de chair, de sang, présents, poignants.
« Moïse und Aron »
Un choix audacieux.
Un pari gagné.
Une réussite assurément.