Si elle nous prive de décor, mise en scène, costumes etc..., elle nous permet aussi d'échapper à des extravagances et des extrapolations qui trop souvent ne font que satisfaire l'égo surdimensionné de certains metteurs en scène obsédés par le seul soucis de relecture obligée de peur d'être qualifiés de "frileux", voire "pompiers".
Ici rien de tel: la musique et le chant règnent en maître à l'exclusion de tout excès scénique, de toute contorsion surprenante, de tout effet gratuit.
Une absolue réussite, et totalement Beethovenienne.
Adam Fischer, d'une pâleur à frémir et d'une énergie renversante, dirige avec un engagement total: direction pleine de fougue, mais aussi parfaitement précise, maîtrisée, et les passages comme le grand air de Léonore, le choeur des prisonniers ou l'air de Florestan, aussi aboutis dans leur mélancolie plaintive.
Emportés, nous le sommes aussi par tous les chanteurs réunis ici:
Waltraud Meier et Jonas Kaufmann, n'ont nul besoin de mes éloges, leurs noms parlent d'eux-mêmes.
Le reste de la distribution se situe au même niveau d'excellence.
Et je veux les citer tous: Tareq Nazmi (Don Fernando), Tomaz Konieczny (Don Pizarro), Matti Salminen (Rocco), Hanna Elisabeth Müller (Marzelline) aussi bonne interprète que jeune et ravissante, révélation de la soirée, et Alexander Kaimbacher (Jaquino).
Entre le merveilleux orchestre et le choeur de l'Opéra National de Bavière, qui jouent en totale osmose avec leur chef, et une distribution aussi aussi homogène, on atteint à un équilibre idéal, fait si rare dans l'univers opératique, qu'il mérite d'être souligné.
Vous l'aurez compris, la soirée était prometteuse: elle nous a comblés et nous a permis de goûter pleinement le privilège d'avoir pu y assister.
Cependant, votre fauteuil à peine relevé, encore toute imprégnée de cette musique grandiose, vous surprenez cet extravagant dialogue:
"Alors on ne vous voit plus à la chasse?"
"Depuis que je suis rentrée de voyage, je n'ai pas eu le courage de remettre mon cul sur un cheval."
Cependant ce n'était pas la Princesse Palatine, célèbre belle-soeur du Roi Soleil, et si vous vous réjouissez pour la monture à la vue de la corpulence de la dame, le retour sur terre est brutal.
Cet hymne à l'amour et à la liberté ne semble pas avoir été perçu par tous de la même manière.
L'absence criante de "juniors" dans le public de la soirée en serait-elle l'explication?