Plus vraiment
Aussi contenu dans le titre lui-même, l’allusion au ballet de Pina Bausch »Kontakthof» : une rencontre entre des corps imparfaits, des personnes de tout âge, qui ne sont pas des danseurs professionnels.
Voilà établi le point de départ de ce dernier opus de Philippe Decouflé et de sa Compagnie DCA (Diversité, Camaraderie, Agilité).
Passés les premiers tableaux dans lesquels on « pense » retrouver les inventions incroyables du créateur de «Shazam», «Iris », «Sombrero», ce chorégraphe, à mes yeux le plus inventif, fantaisiste et comique de sa génération, n’a pas su renouveler les enchantements d’antan.
Certes, les décors sont d’une beauté incroyable :
Le géant éventail plissé qui s’entre-ouvre au lever de rideau, les encadrements de la scène avec ces panneaux décalés, blancs ourlés de noir, jouant sur les diagonales, ou les camaïeux de gris dans le passage avec les nuages, et encore la vidéo projetant les jambes de la danseuse démultipliées à l’infini pour se transformer en anémone de mer aux tentacules ondulantes.
La magie est là, le merveilleux aussi.
Certes les costumes sont souvent d’un comique achevé avec entre autres :
Le présentateur : fines moustaches, chemise tyrolienne noire, et bermudas brodés sur chaussettes courtes ostensiblement retenues par des jarretelles.
L’irremplaçable Christophe Salengro en jupe plissée violette, chaussettes écossaises, veste de velours prune et lavallière molle de soie chamarrée pour son entrée en scène, ou tenue faustienne, vaste robe de chambre de brocard et improbable chapeau à l’interminable pointe recourbée vers l’avant, terminée par un miroir mobile.
Et encore cette robe serpent, longue housse plissée, s’agitant sous les mouvements d’une danseuse aux membres invisibles, pour n’en citer que quelques uns.
En dépit de certains passages d’une beauté aérienne, c’est le cas notamment de deux danseuses-acrobates, qui dansent enlacées dans une corde sur scène pour s’élever jusqu’au cintres, du beau passage de la danseuse dans sa boite avec encore des effets d’optique et de kaléidoscope merveilleux, la multiplication de sketch et de textes inédits ou extraits de Jarry et Goethe, alourdissent le spectacle, en ralentissent le rythme.
Ce genre d’exercice requiert une alacrité qui leur fait souvent défaut.
Comme entravés, l’invention débridée, la créativité, et l’humour marqué sous le sceau de l’absurde, qui définissaient ce chorégraphe si imaginatif, ne se déploient plus avec la même maestria, peinant à retrouver la pétillante légèreté de la jeunesse.
Les années ont passé.
Tel le miroir, ce spectacle amorti nous offre l’image de notre propre vieillissement.
Soirée emprunte de mélancolie.
Essoufflé, Decouflé.