Réunion au sommet : le Ballet Royal de Flandres, le Royal Ballet de Covent Garden, et le Ballet de l’Opéra National de Paris exécutent chacun une chorégraphie emblématique de la « grammaire » Cunnigham.
« Pound Way » par l’Opera Ballet Vlananderen ouvre la soirée.
Devant un fond de scène pointilliste abstrait en noir et blanc, œuvre surprenante du roi du Pop Art Roy Lichtenstein plus reconnaissable à ses tableaux réalistes aux couleurs criardes,
Dans leurs costumes blanc pur, pantalon sarouel fendus, brassières aux manches crevées, sublimant les mouvements des filles( moins seyants pour les garçons le haut perdu dans de courtes tuniques, les pilosités des jambes émergeant des ouvertures),
l’ensemble des danseurs, remarquables dans leur ensemble, forcent l’admiration dans l’exécution de ce ballet à l’indéniable séduction.
Subtil fusion orientalisante, courbes lascives et poses figées, ondoiements ou étranges sauts de batraciens se déploient sous un éclairage jaune et bleu de David Covey qui parachève en beauté cet opus.
Le titre fait allusion aux souvenirs de jeunesse du chorégraphe quand il se plaisait à lancer des cailloux dans l’eau d’une mare :
En résulte l’immersion dans une sereine beauté.
Cross Currents par The Royal Ballet.
Court, graphique, chorégraphié pour trois danseurs, deux filles, Romany Padjak, Julia Roscoe, autour d’un garçon, Joseph Sissens, solistes de haut niveau, maillot blanc, collant noir, un rien balanchinien, rythmé par une musique jazzy, nerveux, rapide, ce ballet qui remonte à 1964, nous entraîne dans un univers peu commun chez Cunningham.
Un intermède enlevé,
Un contraste bienvenu dans l’oeuvre du « Maitre »
Walkaround Time par le Ballet de l’Opéra National de Paris.
Pièce « maîtresse » du spectacle, crée en 1968 et entrée au répertoire de l’Opéra de Paris en 1998, cet opus se déroule, disséminées sur scène entre de grandes boites transparentes renfermant d’indéfinissables formes, décor supervisé par Jasper Jones et repris de celui de Marcel Duchamp pour « La Mariée mise à Nu ».
Le son de Jesse Stiles, nous submerge de bruits d’eau, d’éclaboussures de pas par temps de grosses pluies, de borborygmes divers, de pétarades de moteurs de voitures.
Suivant ses préceptes essentiels, les danseurs ont répété sans musique, :
« La musique c’est notre corps, notre souffle c’est la vie » déclare un des interprètes lors d’une interview à Garnier, confirmant la thèse du chorégraphe .
Le titre évoque encore les cents pas que faisaient les mathématiciens pendant que les ordinateurs accomplissaient leur tâche, le recours à ces machines constituant une autre caractéristique des recherches du chorégraphe.
Chorégraphie d’une grande difficulté, hiérarchie abolie (autre principe de Cunningham),
les danseurs vêtus de justaucorps de coloris étouffés : mousse, fumée, jaune éteint, vieux rose, feuille morte, tantôt statues, tantôt avec une infinie lenteur en décomposant à l’extrême les figures, exécutent chacun des pas différents, seuls ou formant d’étranges agglomérats.
Du pur Cunningham :ardu, abstrait, dénué de tout enjeu émotionnel.
Et à mon grand regret un corps de ballet, certes appliqué, mais qui n’a en rien retrouvé son niveau d’excellence qui justifiait, à juste titre, sa réputation.
A ce jour, la pièce d’une durée de près d’une heure, continue à provoquer des réactions contrastées auprès du public.
De lassitude, les abandons clairsèment les rangs.
Importante dans l’histoire de la danse contemporaine,
La pièce n’en accuse pas moins le nombre de ses années.
L’ennui suscité surpasse l’intérêt présenté.