Millepied trébuche.
S’inscrivant dans la lignée des précédentes « Daphnis et chloé » en juin 2014 signait une collaboration magistrale entre le chorégraphe et le plasticien Daniel Buren dont nous conservons un souvenir véritablement lumineux.
Distingué, chic élégant dans ses tonalités de gris,
Chorégraphié à une vitesse folle pour les danseurs qui ne restent pas assis contre un mur,
Enchainant dans une parfaite déclinaison de toutes les possibilités de la danse post moderne,
Confié pour son exécution à la jeune garde,
Sous les lumières follement abouties, avec ces lampes articulées dont les faisceaux s’unissent à la musique et aux danseurs pour former un tout, projettent de vibrantes lignes lumineuses enserrant le plateau ou des fondus violine, pourpre, arc en ciel en fond de scène,
Cette dernière création « d’ouverture » de saison n’a certes pas rempli nos attentes.
Sans véritable progression, dénué de toute émotion palpable, à l’exception des dernières minutes d’ensemble, un regrettable sentiment d’ennui et de déjà vu se dégage inexorablement de cet opus.
Graphique, dynamique, voire agité, « Claer, Loud, Bright, Forward » :
L’exercice de style d’un élève doué,
Pas la création d’un chorégraphe inspiré.
A la suite, en hommage à ses maîtres, deux ballets de Robbins et Balanchine.
Véritable moment d’harmonie retrouvée, « Opus 19/ The Dreamer », de Robbins ( entrée au répertoire) sur le concerto pour violon no 9 de Prokofiev.
Si Balanchine disait : » Danser c’est donner à voir la musique »
Robbins, son successeur au New-York City Ballet ne pouvait nous en donner plus belle illustration.
Au de-là de cette définition, la chorégraphie de Robbins fusionne avec la partition, la sublime, exemple d’une rare sensibilité, d’une profonde connaissance de la pièce.
En Mathieu Ganio elle trouve l’interprète à sa hauteur. Il réunit dans son exécutions toutes les qualités d’un danseur étoile digne de son rang, de l’excellence à laquelle l’Opéra n’a jamais failli jusqu’à présent.
Impossible d’en dire autant d’Amandine Albisson, on s’interroge sur sa nomination. Quelconque au mieux, cette nouvelle étoile incarne le manque cruel de réels talents féminins dans la nouvelle génération.
Je ne m’étendrai pas, je serai assassine.
« Thème et Variations » de Balanchine concluait la soirée.
Quand Mister B nous a légué tant de chefs d’œuvres, pourquoi avoir exhumer cet opus ?
Kitchissisime dans ses tutus clinquants comme des costumes de cirque, sous ces deux ridicules lustres en cristal de pacotille, ce qui se voulait une ode au Ballet Russe et à Marius Petipas, tombe aussitôt dans la caricature du grand ballet classique, aussi pompier que démodé.
Un délice quand une Aurélie Dupont ou un Nicolas Leriche sont sur scène, cet enchainement de difficultés techniques impressionnantes se vide de toute justification pour devenir une pitoyable « performance » quand l’interprétation laisse autant à désirer :
Mécaniques, sans fluidité, pas toujours assurées ni à l’unisson, de si vilains port de bras, ces demoiselles ont bien du travail devant elles. Un stage Moscou ou Saint Pétersbourg serait bienvenu. Abrégeons.
Je ne parlerai pas davantage du couple Valentine Colosante et François Alu pas mêmes capables de porter diadème et juste au corps ;
On souffre pour le maître, cet homme qui célébrait la femme, la danse, l’élégance avec tout le charme slave.
Un hommage qui s’apparente à une trahison ?
Etrange stratégie.
Dangereuse baisse de niveau.
En aucun cas une soirée digne de l’occasion.