Dans ma chronique d’alors ( Lulu de mai 2013 ) je vous avais fait part de mon enthousiasme sans réserve partagé par un public comblé. Si Benjamin Lazar m’éblouissait comme précédemment une fois encore dans son travail de mise en espace, je découvrais à cette occasion le jeune chef Maxime Pascal et son ensemble « Le Balcon », aujourd’hui célébrés par d’éminents critiques, et aussi la jeune Julie Fuchs tout juste lauréate des Victoires de la Musique.
Strauss : musique enchanteresse aux oreilles de Lulu .
Musique aux charmes toujours renouvelés.
Cette reprise de la mise en scène et les costumes de Laurent Pelly à Bastille avait éveillé ma curiosité.
J’avais conservé un souvenir charmant de son « Orphée aux enfers » de jacques Offenbach au Festival d’Aix en Provence il y a déjà quelques années.
J’avais également dit tout le mal que je pensais de sa mise en scène de Macbeth aux Amandiers la saison dernière ( Lulu de septembre 2013 ).
Me voilà contrainte de récidiver.
Sans doute trop sensible, sinon trop attentive, au travail du metteur en scène, je ne puis souscrire aux effets qui entament, pour ne pas dire détruisent, la force dramatique d’une œuvre.
Passons sur le prologue. Oublions l’arrivée sur scène d’un véhicule en marche déjà trop vue.
La transposition stylisée de la demeure du l’hôte « l’homme le plus riche de la ville » où la fête doit avoir lieu est plutôt réussie avec ses hauts piliers et ses « balcons » dominant le plateau où sont réunis compositeurs et interprètes de l’intermède musical commandé par le maître de séant.
Comme dans Werther, Sophie Koch s’est brillamment illustrée : délicate et sensible, sa voix et sa présence scénique ont contribué à donner toute sa chair au rôle du jeune compositeur émotif, susceptible, vulnérable, impulsif.
Populaire n’est pas synonyme de vulgaire.
A l’acte I le décor est un chantier abandonné, piliers de béton et ferrailles. Tel un squat en hauteur, un sol bétonné et un matelas nu, composent « l’île » et « la grotte » décrites par le chœur des femmes où se lamente Ariane. Chemise de nuit bleu pétrole, informe chandail couleur muraille entourant ses épaules, cheveux en bataille, la merveilleuse Karita Mattila, contrainte à descendre sur le dos l’échelle de son « refuge », fait preuve d’une héroïque abnégation et voit son rôle perdre beaucoup de son intensité dramatique.
Allure guerrière, stature de colosse, Klaus Florian Vogt est un vaillant ténor, poitrine à demi dénudée sous son manteau à l’antique et sa cuirasse.
Nous devons nous trouver dans une station balnéaire populaire, au vu des hommes arborant chemises criardes et fleuries, bermudas et ridicules chapeaux de plage.
Le pire est du côté de Zerbinette, Elena Mosuc, déjà affublée d’une perruque courte couleur feu au prologue, telle Régine en Grande Zoa, nous arrive enveloppée d’un peignoir orange pétard à poids géants couleur pistache, mules assorties.
La légèreté, l’esprit, le naturel désarmant, le coté badin, le piquant, l’essence de Zerbinette, lui manquent cruellement. Devant nous ce n’est guère plus qu’une femme facile qui nous compte ses aventures sans lendemain. Sa voix, enfin, est loin de posséder les facilités et l’agilité indispensables pour affronter les vocalises redoutables de la partition.
Voir ainsi dégrader de si belles œuvres est regrettable.
« Les pollueurs seront les payeurs »
Trop souvent, à l’Opéra, c’est l’inverse qui se produit.