Impossible de nier les qualités du spectacle.
L’intrigue de la comédie musicale nous transporte au moment de l’apparition du cinéma parlant.
Cette révolution précipitera la fin de grandes stars du muet ;
Et verra émerger une nouvelle génération d’acteurs.
L’histoire précisément des personnages de « Singin’in the Rain ».
Couple-star de films muets, Don Lockwood et Lina Lamont, voit son avenir compromis par l’avènement du parlant :
Avec son insupportable voix de crécelle, Lina condamne à l’échec leur premier film sonorisé.
Cosmo Brown, le meilleur ami de Don, sauvera la production :
Il propose de faire doubler Lina par Kathy Selden, jeune débutante talentueuse dont Don s’éprendra.
Consentante et soulagée par ce subterfuge, Lina se révèlera bientôt d’une féroce jalousie face à sa rivale,
Et usera de tous les moyens pour briser sa carrière.
Jusqu’au soir de la première où le rideau actionné par Don et Cosmo, se soulèvera découvrant Kathy triomphante derrière Lina confondue face au public qui l’acclamait.
Ouvrant le spectacle par la projection en noir et blanc d’un générique « Chatelet Pictures » à l’image d’Hollywood,
Joli clin d’œil de la mise en abyme « cinéma dans le théâtre », présente tout au long de la soirée,
Utilisant avec talent le rideau d’avant- scène pour mieux nous « plonger » dans d’extraordinaires décors dévoilés bientôt,
Baignés dans des tonalités exclusivement noir, gris, blanc et argent à l’opposé du film réalisé en technicolor,
Tour à tour devant un cinéma un soir de première de gala commentée en direct par une journaliste,
A la somptueuse soirée d’une richissime américaine,
Au cœur d’un studio de « major » pour les tournages,
Dans la loge de la star prenant ses cours de diction ou laissant éclater son dépit,
Assistant à la projection du dernier film, tourné dans la Galerie des Glaces…
Ou bien à un numéro digne des Siegfield Follies, avec débauche de strass, plumes d’autruches immaculées et miroirs festonnés, ou tout or et argent cerné par un cadre de scène à l’image de celui du théâtre,(cette fois théâtre dans le théâtre)
Tim Hatley, pour les décors, Anthony Powell, pour les costumes, et Guiseppe Di Igrio, pour les lumières, composent un spectacle esthétiquement impeccable.
Cocasserie et humour ne font pas défaut dans les scènes de film muet, comme dans celles avec la vedette féminine à la voix de fausset ;
Alors, la perfection ?
Dans les registres précédents, certes rien à redire.
L’essentiel fait cependant défaut.
Rythme, énergie allant, définissent les qualités indispensables de la comédie musicale.
Fidèlement reprises sur tous les refrains à succès du film, les chorégraphies trop sages et prudentes, semblent bien timorées, comme amorties.
Dan Burton, sourire dents blanches, haute stature, est un Don appliqué, élève sérieux dans toutes les disciplines ;
Mais au moment emblématique de la soirée, pluie et danse manquent notoirement de « générosité » : un mince filet d’eau s’échappe de la gouttière, le légendaire numéro de claquette réduit à quelques pirouettes autour du réverbère.
Ni éclat, ni éclaboussures !
Daniel Crossley, ne convainc pas vraiment en Cosmo : dans « Make them laugh » ses effets de jeu poussés jusqu’à la caricature ne parviennent pas à masquer un numéro par trop « rétréci », simplifié.
Limitée dans son rôle à la comédie, Emma Kate Nelson en Lina Lamont, se prête avec grâce à l’interprétation de la vedette à la voix perçante, sotte, garce et prétentieuse ;
Joli minois, mais cuisse épaisse et mollets rebondis, Clare Halse en Kathy Selden, danse cependant avec entrain, comme elle chante de charmante façon.
Si elle ne remplace pas Debbie Reynolds, elle assume honorablement sa partition de jeune inconnue révélée.
Moins aboutie, moins somptueuse, avec cinq musiciens pour tout orchestre, plus foutraque, mais pleine d’esprit, allègrement gouailleuse, et non dénuée d’une forme de poésie,
« Irma la douce » comédie musicale franchouillarde, dégage infiniment plus de charme que cette impressionnante machinerie à l’emballage impeccable et au contenu décevant.
Du nerf, du pep’s, du swing, de la fantaisie, un grain de folie : Gene Kelly et Donald O’ Connor en débordent dans le film.
Rythme, énergie, allant définissent le genre.
Sur la scène du Chatelet, l’anémie semble avoir frappé.
Pâle ébauche, lointaine esquisse, parfum éventé, le spectacle plaira à ceux qui découvrent l’œuvre.
Les amateurs du film s’abstiendront.