Elle s’impose :
Devant la splendeur de « Pneuma »,
Devant la virtuosité du Ballet de l’Opéra de Bordeaux,
Devant la beauté de la scénographie et les lumières de Rémi Nicolas.
Après « Double vision », solo programmé la semaine précédente, Carolyn Carlson vient à nouveau de nous transporter avec une œuvre dont la sensibilité et la profondeur parviennent à un stade d’expression poétique rarement atteint.
Pour décor, un plateau nu : au fond, trois parallélépipèdes transparents dans les airs un arbre stylisé, devant, une gaze transparente.
Jeux de lumières, légers déplacements de l’arbre, l’écran de gaze voile et dévoile tour à tour des personnages emblématiques : file de « naïades »reliées et ondulantes dans cette unique étoffe d’azur foncé, oiseau aux ailes de rapace anthracite, ou délicieuse « Fée Libellule », robe immaculée en pétales de fleurs, juchée sur de translucides cothurnes, s’avançant souriante et mystérieuse appuyée sur sa longue baguette magique.
Tout en blanc, ou tout en noir, les garçons en sobres costumes ou simples pantalons et tee-shirt, les filles dans d’ultra féminines robes longues virginales, sexy ou pudiques, évoluent comme en apesanteur, sveltes et souples comme des lianes, ports de bras à la grâce surnaturelle.
Enchainant portées en ensemble traversant la scène, ralentis impressionnants face à l’éblouissement de la lumière solaire, groupes d’hommes dessinant courbes et cercles entrelacés au pas de course, groupes de « vestales » tournoyant sur elles-mêmes telles de mystiques derviches féminins, l’amour est illustré par de très séduisants échanges où les filles, suggestives, font montre de leur pouvoir de séduction, la mort aussi bien présente dans le passage où chacun des garçons se trouve portés à bout de bras par les autres dans une tragique course à l’abîme.
Argument principal de ce ballet, la célébration de la Nature :
Lumière symbolisée au lever de rideau dans l’éclat d’un matin d’été par les garçons avec leur frais tapis d’herbe ;
Cheveux défaits, bras nus, tout en noir, des pleureuses allongées au sol se déploient lentement en contorsions de jambes et mouvements de bras d’orantes implorantes, évoquent les Ténèbres.
Souffle de vie enfin. Omniprésent avec ce ventilateur qui ébouriffe les cheveux d’une belle, l’envol une dérisoire baudruche devant tous les danseurs émerveillés, les frémissements de symboliques chaque rangées de blé glissant sur le plateau, tirés par les danseurs étendus.
Ainsi sublimée, la danse de Carolyn Carlson relève du spirituel,
Apaisante et irradiante, elle nous submerge de sa beauté,
Transmise par le remarquable Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, porté par Charles Jude, son directeur, à un niveau d’excellence dont Paris devrait s’inspirer.