Au prisme de la modernité.
Radical changement dans la pièce suivante.
A l’exclusion de toute «mise en scène spectaculaire», les photos en noir et blanc présentées soulignent l’importance accordée par le couturier à la simplicité des formes.
L’illustre ce cliché de 64 signé Robert A Freson, où seules les mains du couturier apparaissent pour ajuster le chapeau blanc complétant la tenue de son mannequin habillée d’une simplissime robe d’après-midi, blanche aussi, à manches longues juste décolletée devant, révélatrice du souci de l’épure et de l’exigence du couturier.
Evocatrice de la mise en valeur des lignes dans l’espace, une photo de JeanLoup Sieff cadre le mannequin dos appuyé contre une table de billard portant une robe d’été blanche d’été sur collants noirs (collection Rive Gauche 84) sans manches, ceinturée et boutonnée de noir. Graphique.

Sa permanente recherche de modernité se décline au fil des ans dans ses jumpsuits et ensembles pantalon coupés en jersey ou tweed présentés dans un parfait alignement.

Vibrante de contrastes parfaitement maîtrisés nourris de sa passion et de ses connaissances pour les peintres et la peinture, loin de se limiter au Pop’art Yves Saint Laurent compose les associations les plus audacieuses, crée une palette toujours surprenante dans ses créations.
La sélection des modèles exposés en donne toute l’ampleur.
La totale simplicité de ses robes droites en jersey est sublimée par les empiècement avant-gardistes: «vagues» émeraude, violette, et noir s’enroulent sur un fourreau court à manches de jersey noir; aplats de couleurs vives «étagées en «colorama» pour un long fourreau asymétrique à quille bleu dur surmonté par un bustier de velours noir ponctué d’un nœud posé sur la hanche, et terminé par un petit empiècement bouton d’or retenu sur une épaule par le même nœud de velours, un modèle d’une rare élégance.

Quel chic règne dans cette salle où se côtoient et alternent, en rangs décalés, tailleurs, robes et tenues de grand soir créées au fil du temps et des saisons.
Au premier rang, l’intemporalité d’une courte robe portefeuille noire se détache aussitôt. Son col châle qui en ourle les bords, ses poignets mousquetaires et sa ceinture d’un blanc pur lui confèrent un chic suprême.
Séduisant par sa sobre féminité, un long fourreau noir s’orne seulement d’une poétique collerette d’organza blanc. Comme une invitation à la valse, les quilles marmoréennes surgissent de l’ ample jupe d’une robe longue; en contraste, longiligne, ce long fourreau bustier de mousseline blanche souligné asymétriquement d’un coté du décolleté et sur toute la longueur du milieu devant par d’un sobre trait de mousseline noire délicatement drapé-plissé en une magistrale démonstration de savoir-faire.
Pour son coté non conventionnel, iconoclaste, citons encore le généreux «blouson noir», «grand soir».

Nous l’attendions.
La voilà enfin dans le studio, posée sur un Stockman, déclinée en veste. Ce bâti avec applications sur le haut de deux rectangles rouge vif et bleu franc soulignés de noir sur fond blanc et poignets citron, représente l’emblématique, l’historique référence à Mondrian.
Sur le bureau du couturier s’empilent les livres d’art. Ils s’alignent encore sur les rayonnages de sa bibliothèque ne laissant à l’extrémité que les dossiers étiquetés au nom des différentes couleurs inscrites au dos, bleu, rose, gris, violet… on imagine l’infinité des nuances ainsi répertoriées.

Je leur préfère le dernier modèle présenté juste avant la sortie: en écho à la première robe exposée des débuts, aussi dépouillée et superbe, la robe de 2001, sans manches, coupée dans un intense bleu dur aux boutons blancs et ceinturée de noir.
Rigueur absolue, chic définitif.
En quarante deux modèles, une nouvelle et magistrale démonstration de la Fondation. Yves Saint Laurent: incontestablement un maître.