Ceux-ci ont déjà été exposés à de nombreuses reprises.
Les rétrospectives du Petit Palais (en 2010) et l’inauguration du Musée de l’Avenue Marceau (LULU du 3/10/2017) ont pleinement rendu hommage au couturier disparu et regretté.
Cette fois, c’est au coeur le l’élaboration et de la réalisation que pénètre le visiteur.
Une alchimie magique qui réunit une somme de talents et de compétences au service du créateur dont le seul croquis constitue la base à partir de laquelle peut se réaliser le modèle.
En exergue de l’exposition, une phrase d’Yves Saint Laurent, véritable déclaration d’amour, résume et témoigne parfaitement de sa reconnaissance envers ses collaborateurs:
«C’est ma maison, c’est une joie d’avoir autant d’amour, je parle des ouvrières, des premiers d’ateliers, toute ma maison, c’est une maison basée sur l’amour».
Dans le grand salon vidé, dépouillé de toute ornementation à l’exception d’un grand miroir, triste comme un palais abandonné, apparaît entre les fenêtres le logo YSL, symbole de la griffe, signé Cassandre, le grand affichiste.
Sous la phrase de Saint Laurent le panneau de présentation.
Dans le petit salon et dans la salle suivante ont été réuni l’ensemble des croquis choisis par Yves Saint Laurent pour son défilé d’adieu en 2002. Une rétrospective dans laquelle on redécouvre avec bonheur l’ensemble des thèmes marquants de ses soixante années de création.
Fini les illustrations.
La technique entre en scène.
Première étape: les patronages, les formes à chaussures. Suivent les marottes(têtes de bois dont se servent les modistes) les formes à chapeaux, parfois accompagnées de croquis, planches au trait vif, souvent coloriées. Particulièrement spirituels ceux de ravissantes bottines lacées de ruban ou de chapeaux vraiment chics (accessoires aujourd’hui oubliés) viennent égayer ces salles..
Un court film chronologique retrace le parcours du couturier.
Projeté à l’entresol, sa durée, neuf minutes, la capacité de la salle limitée à huit personnes, semblent bien insuffisantes au regard d’une riche et longue carrière.
En poursuivant la montée, au premier étage, élégamment disposées sur cintres, au centre de la pièce, les toiles dessinent un carré parfait.
On peut y observer, tracés à l’encre ou soulignés de bolduc, le dessin des coutures, l’emplacement des boutons, celui des volants ou ruchés, le graphisme des broderies.
Les amateurs apprécieront la «genèse» des modèles.
Sur une étagère s’alignent les bustes aux mesures des clientes; accrochés sur une longue tringle se suivent les toiles de vestes.
Emouvantes, palpables illustrations de «laboratoire».
Un travail qu’évoque ainsi le couturier:
«La toile d’un vêtement a la force du dessin. Il faut faire très attention à la toile avant de choisir le tissu dans lequel le modèle va être réalisé pour retrouver la magie de l’ébauche»
Magnifique définition qui rappelle toute la difficulté de la «réalisation»
Point d’orgue de la visite, apparaît ensuite le studio d’Yves Saint Laurent.
Nous voilà au coeur vibrant de la Maison.
De dimension modeste, entourée de miroirs sur trois côtés, la pièce recèle et révèle tous ses trésors.
Premier d’entre eux: le bureau du couturier. Mille objets le recouvrent: souvenirs, porte-bonheurs, esquisses, pots à crayons, lampes, boites à boutons s’entassent dans un savant désordre.
Derrière, son portrait par Bernard Buffet, un mur de rayonnages remplis de livres d’art, épinglées au mur, les planches de collection, au-dessus de l’autre porte les rouleaux de tissus attendent d’être choisis.
Toujours observée d’abord sur la glace, l’immuable entrée en scène du mannequin permettait au couturier et à ses collaborateurs les plus proches de juger de l’effet produit par le modèle présenté avant d’y apporter d’éventuelles modifications, de décider du tissu employé, du choix des broderies, bref de tous les détails nécessaires à l’achèvement de la pièce en «devenir».
Moment décisif du processus dont témoigne cette citation du couturier:
«J’ai rarement besoin de parler en présence des gens talentueux de mon entourage.
Il y a une télépathie qui va au-delà des mots, les mêmes intentions, le même accord.»
Se retrouve ici un nouveau témoignage émouvant de la complicité, de l’estime, de l’affection qu’Yves Saint Laurent portait à ses collaborateurs.
Pour conclure ce parcours, prolonger la nostalgie, il faut absolument s’arrêter dans le couloir pour «goûter» toute une série de petits films dans lesquels s’expriment les premiers d’atelier, la modiste, la responsable des tissus, enfin tous les «intervenants» de la Maison, sans oublier son premier mannequin de couleur, et la journaliste Janie Samet.
Animés de passion et d’une confondante simplicité tous nous donnent le bonheur d’apprécier leur description d’un travail complexe nécessitant imagination et compétences.
On est touché par cette recherche de la perfection, par cette entente avec le «Maître».
Afin d’établir un lien entre les modèles du couturier et les tableaux des grands artistes qui les ont inspirés, la visite de cette exposition très technique devrait se poursuivre au Louvre, au Musée Picasso, au Musée d’Art Moderne, au Musée d’Orsay etc ...
Le parcours s‘annonce coûteux. Il faudra s’acquitter du billet d’entrée pour chacun des lieux.
A la rétrospective d’Alaïa au Musée Galliéra, il suffisait de traverser l’avenue pour voir la suite de l’exposition au Musée d’Art Moderne.
Cette fois les courageux traverseront tout Paris.
Bien consciente de l’influence exercée par un Mondrian, Braque Picasso, Van Gogh ou Bonnard sur le travail d’Yves Saint Laurent,
Lulu ne vous promet pas de participer au marathon.