Que mes lecteurs me pardonnent,
Dans cette chronique, délibérément arbitraires, seuls figureront les choix et coups de cœur de Lulu.
Dès l’entrée, au département des antiquaires et peintures
Chez Kugel, l’époustouflante richesse d’un cabinet en écaille et ivoire signé Baumgart, fin XVIIIE , aussi le précieux plateau napolitain en ivoire et nacre, et aux murs les miniatures de Corneille de Lyon également présentes chez Richard Green où l’on remarque encore la très animée « kermesse de Saint-Georges » de Brueghel le Jeune, ainsi qu’une série d’impressionnistes : petits Boudin (plage, bord de mer) une lumineuse baie de Villefranche de Manguin, un inattendu Pisarro pointilliste ;
Chez Dickson, deux minuscules Knopff, cette année enfin célébré au Petit Palais, de la meilleure facture un merveilleux bouquet d’Odilon Redon : renoncules colorées sur fond ocre, un petit Klee.
Chez Agnews délaissant les œuvres anciennes, dans la composition « Heart of the rose », un ange tend la main devant une jeune fille perplexe, parfaite illustration de l’art préraphaélite de Burnes Jones ;
Chez Coatalem, au petit Fragonard mis en vedette sur le catalogue, terne joueuse de vielle, je préfère toute la puissance animale d’un tigre de Delacroix
Du stand de Porcini se dégage une rare puissance théâtrale et dramatique. « Saint Jean Baptiste » de Jusepe de Ribera côtoie, pattes liées, prêt au sacrifice, un agneau pascal et Lucas Giordano signe un spectaculaire « Tobias et l’archange Gabriel » en plein vol. Saisissants.
Remarqués chez De Jonckheere, deux Clouet, dont un portrait de Charles IX ; ils rivalisent avec un « Christ raillé » de Lucas Cranach, une composition splendide de modernité : « Repas paysan après la moisson » traversée en sa diagonale par le blé coupé, enfin, de Brueghel, une « Adoration des mages » ;
Le chérubin potelé, main posée sur une vanité, étendu sur un luxuriant lit de roses constitue une véritable curiosité barocco-kitsch vue chez Blumka Gallery
Elégant, racé, dans sa course, un lévrier blanc immaculé d’Oudry chez Didier Aron, de Boucher « Lavandières et cavalier » diffèrent de belle manière de ses nus bien en chair ;
Chez Stoppenbach et Delestre un joyeux Valtat, un Manguin fleuri, une vigoureuse gouache balnéaire de Derain ;
Au détour d’une cloison, rare Balla de la foire, un bel oiseau géométrique mauve et vert se perd au milieu d’œuvres toutes anciennes.
De Voldère expose une « Ronde de paysans » de Breughel le jeune et un paysage d’hiver, foisonnant de détails truculents croqués dans la neige ;
Les huit panneaux avec grotesques inspirés de Raphaël ne manquent pas de chic chez Jean-François Heim, plus « sérieux » le paysage de Corot à la belle verticalité des arbres entre lesquels s’étend un pré aussi longé d’une foret au lointain, un « forgeron » de Levy Dhurmer, autre symboliste affectionné, un « Orphée » d’Odilon Redon : trois pièces toutes attrayantes, enfin de grands panneaux d’Oudry mêlent avec l’élégance du XVIIIe natures mortes, oiseaux et instruments de musique ;
L’accrochage exclusivement consacré aux primitifs italiens et au début de la renaissance chez Salamon et Cie vient clore cette première partie.
Géant, saisi en pleine extension, en équilibre sur son socle, un lièvre de Barry Flanagan égaie l’entrée du département moderne. Très présent sur les stands un premier Bernar Venet empile des cercles, un Millares de 57 noir et blanc superpose les toiles.
Remarquées chez Heremans, spécialité qui ne trouve que peu d’échos en France, verres et céramiques de créateurs tel ce vase pansu des années 30 en verre vert translucide orné de dix anses signé Martinuzzi, et une série d’amphores des années 60 épurées et gravées signées du belge, Vandeweghe ;
Dans la section « Design » un superbe ensemble de mobilier danois avec une suspension à huit bras de Tynell (années 60) un fauteuil tournant néo 1900, de 66, signé Moos ;
La galerie Boulakia, en dépit de la notoriété des signatures exposées : bel oiseau s’envolant, huile sur carton de Léger, incontournable pois rouges de Kusuma, deux Hartung tardifs, un Bernar Venet tout en vertical, n’atteint pas son niveau habituel.
Premier Fontana de la foire repéré chez Vedovi, et, plus intéressant un Josef Albers bleu cobalt sur fond vert « Hommage au carré », aussi le « Dyonisos » spiralé dessiné au crayon rouge et noir de Cy Tombly ;
Kamel Mennour, un nouveau venu, présente Rondinone, Buren, chez Mazzoleni le Fontana carmin « Concerto spaziale » évoque l’espace comme l’indique son titre ;
Dulon aligne un ensemble rare de totems de Bornéo ;
Très en vogue actuellement, mais pas du gout de Lulu, chez Demisch Danant une reconstitution d’appartement des années 60 avec bureau de forme aéronautique de Geneviève Dangle et Christian de France, et une paire de fauteuils modernistes de bois clair dossier et assise recouverts d’un affreux tissus à larges bandes allant du jaune au vert ;
On passerait des heures devant les vitrines de Didier Ltd de Londres, (je précise pour les amateurs). S’aligne sous nos yeux un incomparable ensemble de bijoux d’artistes, des plus connus aux plus inattendus, Lalanne côtoie Dali, Matta, Segui, Bernard Buffet (jolis papillons) Ernst, Calder, Delaunay, sans oublier Piza, mon ami brésilien. Une liste loin d’être exhaustive. Citons encore la paire de bougeoirs en or chantourné de Dali, « La mite et la flamme ». Baroque à souhait.
La Sécession de Vienne triomphe chez Macaux ; de Serrurier Bovy, admirables chandeliers à 16 lumières en fer et laiton à motifs de chardons découpés comme la dentelle, ainsi qu’un bureau plat de forme épurée juste orné de ferrures en laiton aussi sur bois de Mahogany.
Pas de surprise chez Laffanour : Charlotte Perriand et Prouvé en sont les vedettes, plus inattendue, en provenance de Brasilia, datant des années 70, une porte d’entrée en bois exotique sculptée ajourée.
Reconnaissable au premier regard, un ensemble de 4 chandeliers feuillus de Claude Lalanne, un bureau et son fauteuil de Jean-Michel Frank des années 30 trônent chez Biaggi-Passebon .
Le jeune Oscar Graf, poursuit sa brillante carrière tôt débutée. Plus discret qu’à l’ordinaire, sur le catalogue il ne fait figurer que les vases de porcelaine glacée de Taxile Doart, sur son stand pas de meuble spectaculaire comme ses Lièvre exposés lors des biennales des antiquaires à Paris.
Retour chez l’antiquaire Vanderven, spécialiste de la Chine. Absolument remarquables de finesse et de raffinement les 5 pièces de garniture, potiches et vases chinois d’époque Ming, en porcelaine bleue poudrés d’or (collection du Prince de Beauvau-Craon) ;
Au premier étage, coté tapisseries anciennes, Franses présente une rare et émouvante tapisserie au fil d’or célébrant en la décrivant la victoire de Louis XI sur Charles Le Téméraire à Pérouse ;
Juste à côté, nous voilà transportés au Japon chez Greg Baker où se déploient de merveilleux paravents, dont celui orné de paon et coq peints sur fond or.
Retour à la peinture moderne chez Von Vertes où, en écho à l’exposition parisienne, on admire un mobile de Calder de belle dimension jouxtant, très présents sur les stands, un autre Fontana et Bernar Venet ;
Déjà remarqué à la Fondation Carmignac, inquiétant, un tableau hérissé de clous de Gunter Uecker ;
Almine Rech, pour la première fois reçue dans la cour des grands,
joue la sécurité et le classicisme avec deux Picasso : le tableau, « Homme aux mains jointes » et le plat » Visage d’homme », et une intéressante sculpture de Cardenas ; pour les contrebalancer « le Tom Wesselman, visage de femme, couleurs criardes et jet d’eau surgissant de la bouche ; Œuvres coréennes bien plus subtiles et élégantes, datant de 1929 , les taches parsèment la toile de Kim Tschang Yeul , un tracé monochrome beige traverse celle de Ha Chong Hyunn ;
En face, comme par défi, s’alignent trois Picasso imposants dont une tête de Dora Maar de facture transitoire mi-cubiste mi ronde- bosse ; Superbe Gauguin rond, fleurs et oiseaux, une « Reclining woman » en bronze d’Henri Moore, une sculpture en fils tendus, aérienne, de Gabo « Linear construction in space » composent un très bel ensemble chez Connaught Brown ;
En parfaite cohérence, les peintres expressionnistes, Nolde et Mack occupent tout l’espace de Hense et KettererMillares ;
Mayoral réunit un ensemble de grande qualité avec Chilida, Tapiès en gris et blanc, Miro ;
Un peu comme Boulakia, la présentation d’Applicat-Prazan, hormis l’immense Manessier dans les bleus « Offrande du soir », à l’entrée du stand, semble un peu faible dans ses choix ;
A l’opposé, on ne sait plus où porter son regard chez Landau.
D’une qualité muséale, une avalanche de chefs d’œuvres se déploie de toute part : sur les cimaises, un Miro somptueux sans titre, un ovale de visage parfait de Matisse, « Le grand déjeuner » une huile de Léger ; le « Portrait de Caroline » de Giacometti ; sur leurs socles, le cavalier de Marini, « La lune » un marbre blanc de Laurens, l’oiseau en bronze de Max Ernst, une sculpture de Pevsner, juste quelques exemples évocateurs.
A la Vielle Russie, caractéristiques du savoir- faire de Fabergé de ravissants et précieux objets miniatures : travail d’orfèvre cette fleur dans son vase de cristal, en émail, le manche d’une loupe, quelques sceaux, et un amusant éléphanteau transformé en porte-allumettes.
En haute joaillerie, en dépit de la qualité des pièces exposées, Van Cleef et Arpels nous semble d’un conventionnel dépassé comparé à l’audace, frisant parfois le mauvais gout, à l’imagination sans frein des joailliers asiatiques.
De taille impressionnante, presque surréaliste, les créations de Wallace Chan comme celle de Cindy Chao, déjà admirée dans ma chronique de la Biennale il y a deux ans, fascinent par leur démesure, mais aussi par leur singularité : de Wallace Chan, éblouissante paire de papillons vus en vol de profil en diamants jaune et saphir rose, un incroyable collier de perles de la grosseur de noisettes parsemé d’émeraudes géantes taille diamant, complètement baroque, des pendentifs d’oreille ornés d’émeraudes poire XXXL : spectaculaire.
La broche marguerite en brillants et émeraudes, le nœud géant en gros rubis, les pendentifs feuilles en corail peau d’ange et topaze fumée d’ange et brillant d’une finesse inouïe, assortiment aussi inattendu que réussi , trois libellules irisées en brillants émeraude tourmaline font véritablement tourner la tête, un collier de chien en brillants jonquille, formes tourmentées, véritablement spectaculaire créations de Cindy Chao, de G les exquis clips d’oreille « pétales de rose » tout de légèreté.
Très séduisant décor de lambris rouge pompéïen dans un des « salons » de Guillaume Léage. Impérial, même si sa marqueterie semble légèrement surchargée, un bonheur du jour ayant appartenu à la Tsarine Catherine de Russie en provenance du Palais Pavlovsk, rare table en vernis Martin et verre églomisé montrée lors de l’exposition consacrée aux secrets de la laque française, et attirant tous les regards, tout de dorures, un carrosse d’apparat pour enfant en provenance de la cour d’Espagne. Royal.
Aussi virtuoses, les marqueteries d’un bureau à la Louis XV avec ravissants nœud et panier à fleur sur l’abattant et un cabinet d’Allemagne du Sud, vers 1650, à la riche décoration intérieure vus chez Salomon Stodel.
Passons chez Tanakaya où de magnifiques estampes japonaises voient se rencontrer une merveilleuse « Arrivée du printemps » d’Hiroshigue, une « Beauté » d’Utamaro, une pittoresque « Pluie d’orage » sur un pont d’Okusaï.
Un vaste espace d’exposition annonce l’ouverture prochaine à Dresde de nouvelles salles dont la restauration de la salle du Trône d’Auguste le Fort avec ses meubles d’argent, ses vases géants en Meissen, bref d’inestimables trésors dont une partie avait fait l’objet d’une fabuleuse exposition à Versailles il y a quelques années.
Une incursion au département « Papier » nous a permis de retrouver chez W et K, (certains prêtés chez Vuitton pour l’exposition de cet hiver), une série de dessins d’Egon Schiele, dont le portrait de sa sœur rehaussé de couleurs crues, une femme accoudée vue de dos tout en griffonnage nerveux, sans oublier les nus chargés d’érotisme de Klimt ainsi qu’une étude pour le célèbre portrait d’Adèle Bloch-Bauer : saisissants et muséal une fois encore.
Sensible à l’art d’Amérique du Sud par mes origines familiales, le stand de Eguiren Arte de Buenos Aires aligne dans ses vitrines nombre de trésors, objets souvent religieux, tel un bol en vermeil admirablement ciselé, XVIIIe, venant d’Ouro Preto (ville coloniale du Nord du Brésil) et une merveilleuse collection de Matés d’Argentine,
Tel un livre d’image coloré et vivant, au grand complet, un service Rousseau avec ses plats de services, saucières, assiettes pour chaque service, étale ses illustrations animales chez Blairman and Sons.
Vu chez Piva, très ornementé, opulent, un coffret en écaille incrusté d’ivoire, illustre parfaitement l’art de l’ornement napolitain au XIXe.
Pardon pour les galeries d’art primitif, tel Monbrison où les masques africains rivalisent en beauté empreinte de mystères, et Meyer spécialisé en art océanique et esquimau, parcourues trop vite pour en rendre compte.
Pardon aussi pour les libraires spécialisés en livres anciens comme Camille Sourget avec son ravissant livre de botanique et une enluminure de Watteau.
Un marathon qui éblouit mais épuise les plus endurants :
A l’image de cette chronique que je remercie mes courageux lecteurs qui en sont arrivés à bout.