Introduction emblématique au nouveau parcours exclusivement consacré au design dans les collections du musée.
Faisant se croiser avant-gardes et post-modernisme sur plusieurs niveaux du Pavillon de Marsan, la richesse des collections exposées se découvre dans une succession de salles illustrant soit un thème, soit un créateur.
Un parcours foisonnant.
Sous le titre d’« Humanisme Numérique » la chaise « Solid C2 » de Patrick Jouin côtoie une robe insensée, révolutionnaire, résultat du travail numérique réalisé par Iris van Herpen.
Dans la salle suivante se découvre l’incroyable étendue du travail de Philippe Starck : du presse-citron au méga yacht de luxe, de la décoration d’hôtels au tabouret-nains de jardin, les multiples facettes de ce prolifique créateur ne cessent de nous surprendre.
Avec « Le Nouveau Japon » pays en pleine mutation dans les années 80, l’innovation radicale d’un Issey Miyake, dans la mode, des jouets Nintendo côtoient les meubles en apesanteur de Shiro Kuramata ; la théière de Nakamura illustre avec poésie l’alliage un peu kitch du doré de la céramique Kutani et de la porcelaine de Sèvres.
Suit « Design Prisunic »
« Le beau au prix du laid » : slogan mis en pratique par Denise Fayolle, la directrice du bureau de style de 1957 à 1967 qui révèlera de jeunes talents tel Terence Conran, auteur la première collection, ou Marc Held dont le lit monobloc avec tables de nuit intégrées dans une coque en polyester blanc illustre l’apogée du plastique dans le mobilier des années soixante.
Au chapitre « Design à l’italienne » les années cinquante- soixante témoignent du boom économique.
Des éditeurs dynamiques : Kartell, Olivetti, Arteluce rencontrent rapidement le succès international à travers des figures majeures : Sottsass avec sa lampe toujours éditée ou sa machine à écrire Olivetti rouge vif, Pila dont la chaise pliable en plexi et acier toujours d’actualité, Gae Aulenti et sa lampe Pipistrello au globe quadrilobé présente encore sur d’élégants bureaux, le lampadaire de Castigiani. Autant d’objets culte, dont le succès commercial se poursuit jusqu’à aujourd’hui.
Mis à l’honneur aussi dans une salle personnelle : Stéphane Simon.
Précurseur dans la promotion du mobilier moderne en collaboration avec les créateurs les plus innovants, dans sa galerie du boulevard Saint Germain ouverte en 1951 il propose à une clientèle élitiste des meubles de Charlotte Perriand, un bureau-haricot fonctionnel et dépouillé de Prouvé, les appliques arachnéennes de Mouille, les lanternes en papier de Nogushi.
La galerie fermera en 1974.
Sur le palier du 5e Etage, sous le label « Rêve et Fantaisie » dans le décor néo-classique follement gai et coloré composé par Navet (lauréat entre autres récompenses de la Villa Noailles), trône impérial, un imposant bureau de César. Pièce unique de 1966, tout en pales de réacteurs d’avion traitées telles des écailles, la face interne de ses piètements découvre un savoir-faire d’une rare prouesse.
Toujours au chapitre « Rêve et Imaginaire » dans la salle voisine, à chaque extrémités du plateau de présentation se dressent le fameux « Pod Drawers » de Marc Newson et le chiffonnier anthropomorphe recouvert de galuchat d’André Groult crée en 1925 pour l’exposition des Arts Décoratifs. Au milieu, Poillerat surprend par l’audace ornementale des figures cynégétiques en ferronnerie ornant les pieds de sa monumentale table, tout comme les couverts de Claude Lalanne, et encore « Le Roi » et « La Reine » de Janine Janet, décoratrice des vitrines de Dior, Fath et Balenciaga.
Rêvons toujours en compagnie d’Emilio Terry, architecte au style imaginaire néo-classique et baroque dont la maquette de la maison en colimaçon exposée ici donne la mesure.
Impossible de ne pas remarquer dans sa vitrine une spectaculaire robe de cour dans le plus pur style XVIIe siècle de Christian Lacroix, entièrement réalisée en papier kraft.
Citons encore les créations de Marcel Jean, et la pièce inclassable de brésiliens, les Frères Campana, dont le cabinet Settimio de 2012 s’inspire aux sources du métissage. Un meuble circulaire, tout de fines baguettes de bambou coiffé d’un dôme finement ouvragé en bronze doré.
Une étape délicieuse, rafraichissante. Ici, oublié tout fonctionnalisme, place à l’imaginaire.
Retour au modernisme avec le règne d’« Avent plastic ».
Matériau bon marché, mais aux moules couteux, s’il permet les réalisations les plus fantaisistes, il est devenu le polluant numéro un de la planète.
Parmi les nombreux exemples présentés, quelques grands classiques aussi célèbres que la chaise Tulipe de Pierre Guariche, le tabouret d’Arnal, le siège incurvé en S « Chica ». Plus surprenant le panneau blanc en plastique moulé annonçant l’exposition de Singer à la Galerie Jeanne Bucher.
« Menphis » illustre une autre période, contestataire, née à Milan à l’instigation de Sottsass entouré de jeunes designers pour un renouvellement formel radical. Irrespectueux du « bon gout » associant volontiers les bleus layette au rose bonbon, d’un confort aléatoire, ces meubles se caractérisent par leur côté « gag » ou leur réinterprétation fantaisiste de l’art déco avec la coiffeuse de Michaël Graves ; la bibliothèque Carlton de Sottsass « se lit comme une architecture », le dossier de la chaise First de Michele de Lucchi peut évoquer l’espace sidéral avec ses boules scandant la barre incurvée du dossier.
A côté « A Vous de Jouer » : Chloé Ruchon a réalisé un baby-foot « féministe » rose fluo avec des poupées Barbie en footballeurs. Les skis de Yorgo Tioupas arborent un graphisme de « modeux » ;
Grimpés si haut dans le Pavillon de Marsan, un arrêt s’impose pour admirer la vue sur Paris qui s’offre à nous des jardins des Tuileries croulant de fleurs le long de ses allées embrassant la tour Eiffel et le dôme des Invalides.
Nous voilà arrivés aux « Avatars du Vase »
Une salle qui justifierait à elle seule toute une chronique.
En voici quelques exemples représentatifs.
Adapté des bronzes chinois, en faïence émaillée grège, le grand vase à formes géométriques à redents ( 1930) de Paul Bonifas.
Panse rebondie encadrée d’anses délicatement fleuries, le vase de Somers (2010) allie verre, métal, résine et soie.
Comique, le vase de Meitner( 2001) en verre soufflé d’où sortent les tiges terminées par une carottes bien jaune, des appendices de feuilles.
D’inspiration primordiale en émail rouge sang de bœuf, le vase d’Axel Salto directeur artistique dans les années trente de la manufacture de porcelaine de Copenhague.
Alliant peinture et sculpture, Picasso a choisi avec humour de placer un bouquet dans un vase exécuté à Vallauris dans l’atelier Madoura.
Détournant la fonction de l’objet, les frères Erwan et Ronan Bouroullec ont conçu un vase télé-miroir aux allures d’aquarium traversée d’une une fleur desséchée posée en diagonale.
Autre version kitch : Léopold Foulem détourne aussi la fonction du vase surmontant un pied richement sculpté, les parois du vase, clos, s’ornent de roses et de violettes.
Passons à Jean Royère. Reconnaissable au premier regard, son mobilier des années quarante et cinquante affiche résolument des contours organiques.
Douillette peluche sur carcasse et ossature invisible pour son canapé « Boule », courbe comme une banane, appliques lianes, table basse « Semelle » contrastent avec le meuble bas de bois clair aux formes rectilignes.
Consacrée à d’autres grands noms du design, la reconstitution de la cuisine conçue par Charlotte Perriand pour la Cité Radieuse de Le Corbusier. Gain de place rationalité caractérisent l’ensemble réalisé avec force économie.
Pour la salle à manger de Monsieur Jardot, directeur de la galerie Louise Leiris, elle conçoit à sa demande, en 1977, un sobre bahut en laque crème aux lignes minimalistes qui ne nuira aucunement aux toiles de Léger, Picasso, Masson ornant ses murs ni au tapis de Fernand Léger au sol.
Répondant aux mêmes critères, le mobilier complet de la chambre d’étudiant réalisée par Jean Prouvé pour la l’université Jean Zay d’Antony. Table - Compas, chauffeuse Antony, lampe Antony, chaise et lit répondent aussi aux impératifs de fonctionnalité et d’économie sans sacrifier à la recherche formelle.
N’oublions pas la donation Jean Tallon grande figure du design industriel français. Nous lui devons, entre autres multiples réalisations, les sièges du T.G.V.
Donation d’artiste : Un espace Dubuffet illustre les liens d’amitié avec François Mathey directeur d’alors..
Avant-dernière étape du parcours, reprenant l’exposition « Les Assises du Siège », de 1968, il faut savoir s’attarder à « La Bibliothèque du Siège »
Etourdissante,
Tour à tour concrétisation des limites de l’imaginaire, de la recherche du dépouillement ou d’interprétation détournée, quelques exemples marquants :
Edités chez Knoll le fauteuil culbuto de Marc Held et le fauteuil tulipe d’Eero Saarinen, réduite à l’essentiel la chaise longue de Jean-Marie Massaud, tressé de fils d’acier le fauteuil Corallo des frères Campana, en acier replié souplement celui de Ron Arad, archi connu pour son confort ergonomique le fauteuil Lounge Chair de Charles Eames, à l’opposé le banc du coréen Choi Byung-Hoon, bloc de pierre naturelle posé sur un socle de chêne rouge a tout d’une scupture. Baroque et extravagant le Poltrone di Proust d’Alessandro Mendini, le sofa de Yuya Ushida en polyéthylène semble constitué de milliers d’alvéoles, portant bien son nom, le siège de Gunjan Gupta, Throne est un curieux assemblage de tabouret en fibres végétales
Dernier jalon du parcours « Matière et Poésie » consacré à la céramique et au verre.
Là encore impossible de tout citer.
Remarqués pour son côté sculptural une très belle coupe en grès de J.F.Fouilhous dont la couverture émaillée n’est pas sans rappeler le céladon des porcelaines chinoises.
S’intégrant dans la lignée vénitienne de légèreté et de souplesse, Sea Form de Dale Chihuly est une merveille de préciosité et de délicatesse,
Aussi, créant l’illusion du mouvement, la coupe Frange (1992) d’Ursula Morley par son traitement poussé jusqu’aux limites de la finesse pourrait se comparer aux plissés Fortuny.
Trois heures de visite auront à peine suffi à Lulu pour tout découvrir.
Les trésors sont innombrables,
Des oublis inévitables,
Visiteurs-Amateurs soyez prévoyants,
Vous serez comblés lors de votre prochaine venue.