Loin de ne s’adresser qu’aux invétérés proustiens au nombre desquels figure votre dévouée,
L’exposition nous entraine dans un univers aux multiples éclats,
Une galaxie étincelant sous les rayons d’un astre secret et mystérieux.
Née Caraman Chimay, « Femme trophée pour un comte immensément riche », comme l’écrit Olivier Saillard directeur du Musée Galliera,
L’élégance de la comtesse s’est élevée au rang d’un art de « vie ».
« Princesse byzantine » pour le mariage de sa fille dans sa robe Worth de brocard brodé de perles, ourlée de zibeline,
« Loreley », habillée par Felix de taffetas plissé vert changeant mélangé de violet,
« Madone » hiératique, caparaçonnée d’un « khalat », somptueuse cape de Boukhara, brodée de motifs formant rosaces en fil d’or sur velours bordeaux, offert par le Tsar Nicolas II (puis transformé par Jean-Philippe Worth),
« Comme un beau lys d’argent aux yeux de pistils noirs » (Robert de Montesquiou), immortalisée sur la photo de Nadar, dans cette exceptionnelle robe du soir de Worth en velours noir rebrodé des fleurs symbole de sa délicate silhouette,
« Reine de la nuit », habillée par Beauchez dans une autre robe du soir de velours bleu découpé de spectaculaires broderies sur fond de soie écru,
La comtesse ne saurait mieux incarner cette femme dont elle donne la définition :
« La femme qui donne la mode…s’occupe de la mode pour ne pas la suivre, l’ayant donné ».
Réduire l’évocation de la comtesse à un narcissisme savamment cultivé : une trahison.
Un autre portrait de Nadar en apporte l’évidente illustration :
Cette fois, elle ne porte plus une de ses tenues exubérante griffée par les plus grands couturiers de son époque.
Elle pose dans la robe de son illustre aïeule, Madame Tallien.
Affirmation limpide de son statut de femme de culture et d’esprit, de gout et d’audace,
Avant tout grande musicienne
« Le seul grand amour de ma vie a été l’harmonie, la musique »
Elle reçoit dans son salon l’avant-garde, découvre Wagner, fonde la Société des grandes auditions musicales de France,
Inspire l’immense de Marcel Proust,
Engagée politiquement,
Elle est une dreyfusarde convaincue dans un milieu "conservateur", et républicaine proche de Léon Blum et du Front Populaire.
Concernée par les progrès scientifiques,
Elle rencontre Pierre et Marie Curie, s’intéresse à leur Institut du radium et aux travaux d’Edouard Branly.
A la fin de la première guerre mondiale, une époque prend fin,
Non la sublime élégance de la comtesse.
Celle qui, pour ses voyages de jeunesse,
Notait d’emporter des chapeaux "auréaulesques" qui,
Voilée sous des gazes ou dissimulée derrière ses éventails,
Entretenait le mystère d’une secrète beauté,
Adoptera, avec le même gout infaillible,
Le style radicalement différent de toute la nouvelle génération de couturier qui révolutionnera la mode d’alors.
La femme-fleur, femme scarabée de jadis, sveltesse inaltérable, conservera intact,
En manteau « surréaliste » de Lanvin, dans ses ensembles aux broderies hiéroglyphiques, ou en fourreau de satin ivoire de Jenny,
Un « éternel » pouvoir de séduction.
Fastueuse garde-robe : visites, mantelets, corsages, tea-gown, ensembles ouvragés tels des pièces d’orfèvres, coupés dans les étoffes les plus précieuses, garnies de fourrures les plus rares,
Gazes translucides, plumes d’autruches et autres accessoires exquis aujourd’hui oubliés,
Se contemplent le long de cet extraordinaires parcours,
Telles les délicates reliques d’un rêve enfui.
Ainsi opère la magie des « robes-trésors » de la comtesse de Greffulhe.
Présentées dans le cadre d’une autre demeure emblématique de l’époque :
Le Palais Galliera.
Nouvelle réussite accomplie pour cette exposition du Musée de la Mode de Paris.