Après l’éviction de nombreux grands joailliers en faveur d’un recentrage sur la vocation d’origine de salon,
Sous la nouvelle présidence de Dominique Chevalier suite à la démission fracassante de Christian Deydier
Cette Biennnale, dans une scénographie épurée de Nathalie Crinière, architecte d’intérieur,
Se déroule autour d’un atrium central dont les miroirs concaves surmontant les bancs,
Magnifient la verrière ;
Des stands en éventails l’entourent,
De monumentales portes commandent les allées qui peuvent désorienter, telles d’horizontales prisons piranésiennes :
Une opportunité de se perdre, avec bonheur,
A travers la diversité des grands spécialistes présents.
Biennale oblige, priorité aux Antiquaires.
Chez de Jonchkeere, audacieux et réussi jumelé : à ses grands maîtres du nord,( Jerôme Bosch, Cranach le jeune, Breughel. le Vieux) un cabinet voisin réunit un important ensemble de Fontana.
Benjamin Steinitz, fidèle à l’esprit de son Père, toujours audacieux, singulier et non conventionnel, présente, outre ses splendides boiseries de l’appartement des bains de la Folie Beaujon, son coffre de voyage en laque du japon du XIIe et un chef d’œuvre de bibliothèque d’applique en chêne Louis XIV,
D’inattendues colonnes de café militaire surmontées de casques romains, semblables à celles de Ledoux au Musée Carnavalet, ainsi que d’incroyables rubans brodés de perles de verre scandant un mur couvert de miroirs.
Chez François Léage, d’autres merveilleuses et surprenantes boiseries : décor à l’antique gris plomb sur fond rouge pompéïen, elles ont appartenu à Joséphine. Aussi séduisants pour leur charme exquis, un petit lustre et une paire de girandoles Louis XIV, ornés de tresses et guirlandes en perles de cristal délicatement entrelacées.
Chez Robbig Munchen, dans une superbe scénographie mêlant boiseries anciennes entourant colonnades et dôme à l’antique de Féau, se découvrent au milieu de merveilleux meubles ( ainsi cette commode en vernis Martin)les plus beaux ensembles de Meisen qu’on puisse rêver chez un marchand. Le service commandé par Frédéric II de Prusse et des éléments du service «Swan » ont ma préférence.
Largement exposés, le mobilier des années vingt, à cinquante toujours très prisées avec ses stars de l’époque : Salon Ours de Royère chez Downtown, canapé André Groult chez Mathivet, étonnante console et bas- relief en pierre de taille d’Alberti Giacometti comme le bureau plat en parchemin, cuir et fer de Duplantier chez Jacques Lacoste. Remarquées chez Yves et Victor Gastou, des grilles et une table ronde de Poillerat, et d’inopinées sculptures de Janclos, artiste vivant.
Deux exceptionnelles « Pierres de Lettré » exposées chez Gisèle Croës représentent, à mes yeux, les plus beaux objets d’art asiatique du salon, mentionnons encore le stand de Mingei japonese art qui propose d’extraordinaire sculptures modernes, aériennes, stylisées, réalisées pour certaines à partir d’objets plus anciens, aux cotés de très précieux écritoires et nécessaires en laques, sur fond d’un délicat paravent orné de légères de gerbes chrysanthèmes blancs parsemées sur fond or.
Citons enfin, coté archéologique, l’ admirable vase pré-dynastique égyptien fascinant par ses décors peints chez Harmakhis.
Chapitre tableaux modernes, Mayoral consacre son stand aux artistes « révolutionnaires », Hommage au Pavillon de la République espagnole, 1937. Rivalisent, magnifiques, Gonzalez( masques Petite Montserrat, Femme au miroir)Miro, Picasso, Calder( mobiles et peinture) ;
Avisée, la Galerie de la Présidence, à la suite de la rétrospective du Musée d’Art Moderne à laquelle elle a largement contribué, ne présente que Marquet.
Chez Landeau,le Modigliani passe pour le tableau le plus cher du salon. Je lui préfère l’imposant Henri Moore qui vous accueille à l’entrée du stand, suivi d’ Ernst, Arp, Laurens, et Marini (présent peu partout).
Autre œuvre majeure chez De La Béraudière : la Fourmi de Germaine Richier.
Aux côtés des habituels artistes des années d’après-guerre toujours présents, bonne nouvelle depuis la fermeture de Marwan Hoos : Zoran Music, disparu il y a quelques années, est représenté chez Applicat-Prazan qui lui consacrera également son stand de la Fiac.
Daniel Templon célèbre, quant à lui, les cinquante ans de sa galerie avec des œuvres toutes de 1966.
L’unique Lanskoy, provenance galerie Louis Carré, se trouve chez Alexis Bordes, toujours intéressante, la galerie Bérès maintient le niveau, et à l’étage, à côté du Mobilier national avec sa belle tapisserie de Dewasne, la galerie Chevalier donne à voir une tapisserie des Mille Fleurs jouxtant le travail très contemporain de Jon Eric Riis,portraits figuratifs en savant tissage de soie, perle et métal, très « tendance » et dans le registre « abstraction lyrique », celui de la colombienne Olga de Amaral,bien plus créatif à mes yeux.
Dans le salon d’honneur, les trésors de l’Ermitage : orfèvrerie signée Germain, meubles Boule, surtout de table, vase-œuf en Sèvres à décor chinois illustrent l’éminente présence du savoir-faire faire français à la cour de Russie.
Par crainte de vous lasser, si ce n’est déjà le cas, passons à la joaillerie.
Dans « l’ancien », comme une impression de déjà-vu avec une surabondance de créations de ces dernières decennies.
Cependant, malgré l’éviction de Cartier, Boucheron, Van Clef, Dior... cette année encore la course au « carats » se révèle plus effrénée que jamais.
Cillant devant les vitrines de Grisogonno, créations délibérément massives, lourdes des pierres,
Battant des paupières face aux somptueuses parures inspirées de celles des maharadjas et réalisées avec des gemmes aux couleurs évanescentes par le bijoutier indien Nirav Modi, à découvrir,
Les créations de Cindy Chao ( déjà présente il y a deux ans) apparaissent telles des mirages.
Présentés dans des vitrines individuelles tendues de velours noir,
Excessifs, démesurés, volumineux, défiant toute les « traditions »
Ses bijoux vous laissent pétrifiés de stupéfaction.
La discrétion proscrite, foin des critères esthétiques.
La prouesse commande, les pires audaces se concrétisent, la surenchère s’impose,
Insectes géants ornés de rubis, émeraudes ou saphir XXL, pendants d’oreilles aux diamants poire de 28 carats, s’exhibent sur le stand cerné par des vigiles nerveux.
Loin de la Place Vendôme pourtant en pleine mutation,
Une confirmation de la nouvelle donne : la puissance des récentes fortunes asiatiques.
N’allez pas croire pour autant que « Le gout est perdu » comme le disait Madame Du Deffand.
Là se limite le clinquant.