On découvre en 1400 pièces, toute l’influence exercée par cet art millénaire.
Après deux siècles de fermeture,
A l’ère Meiji, durant la deuxième moitié du XIXe siècle, le pays s’ouvre à nouveau aux étrangers.
Les expositions universelles, les collectionneurs, les galeristes, et le Musée des Arts Décoratifs, qui organise une première exposition en 1867, contribueront à la découverte et la diffusion de cet art en Europe.
Influences croisées, échanges riches d’innovations et de renouveau, couvriront tous les domaines de la vie artistiques, des créateurs aux artisans, de la mode aux spectacles.
Aujourd’hui encore, jusque dans le design, elle n’a jamais cessé de s’enrichir des savoir-faire de deux univers à la recherche de perfection et d’élégance.
Dans un parcours chronologique, le musée décline ses infinis trésors.
L’absence de cartels le matin du vernissage me fera pardonner le manque de références précises pour grand nombre des œuvres décrites.
Dès la première vitrine, la beauté des porcelaines à décor floraux ou animaliers resplendit tout particulièrement sur un grand plat rond aux motifs de fruits et fleurs aux couleurs éclatantes de fraicheur, un plat tripode aux fins bords repliés, une assiette dont le pourtour s’orne des ailes déployées de la grue posée en son centre : virtuose.
Rivalisant de richesse et de préciosité ce meuble d’encoignure, prétexte à une débauche de bronze et laques reproduisant dragons et figure féminine en kimono sur le vantail central, ou cet écran aux panneaux de pierre translucide sur lesquels se posent chrysanthème, papillon, branche de prunus, écrevisse d’une folle délicatesse, en émail, bronze doré ou pierre dure.
Plus trivial, cet éventail en papier avec une Tour Eiffel entourée de pivoines et d’une mésange témoigne de l’étendue du « japonisme » en vogue alors.
Infiniment élégantes une paire de vases noirs pansus, opaques et luisants, d’où se détachent en relief des oiseaux en vol blanc mat ;
Sur un cet écran de soie, dans une composition très moderne, complètement décentré sur un des côtés, un héron, frêle et gracieux, se dresse sur ses pattes.
Une vitrine déclinant « la grammaire ornementale » recèle une collection de peignes dont chacun s’apparente à un joyau de délicatesse : gravures, jours, contraste de l’écaille, ornementation de corail sur ivoire séduisent à l’infini, comme retiennent notre attention les recueils de motifs minutieusement rendus par la gravure ou le dessin disposés sous l’alignement de bols et pots, du plus dépouillé au plus élaboré.
Dans la vitrine consacrée aux collectionneurs, (tel Guimet en France ou Kraft en Angleterre), apparaissent les premières pièces de vêtements de soie précieuse aux plis savants, ainsi qu’un masque de théâtre Nô ; aussi un Bouddha et un brule parfum « géant ».
Dans la section « Japonisme au M.A.D., la splendeur d’une écritoire au couvercle de laque noire et or, découvrant dans leur compartiment intérieur un encrier doré décoré d’émail et une feuille de jonc doré étalant sa courbe sur fond de laque rouge, aussi délicat que raffiné, justifie qu’une vitrine lui soit dédié.
Tout aussi admirable, cette boite à thé (?)ronde qui se décompose harmonieusement en quatre boites en arc de cercle entourant une petite boite centrale, exemple choisi parmi d’autres, ou jouant encore sur les contrastes de volumes, tel cet étui carré d’où émerge en boite parfaitement ronde.
Des Années 1909/14, les masques, de théâtre Nô sont présentés en grand nombre, déclinant sexes, âges, expressions différentes.
Un merveilleux coffre en marqueterie de paille semé de fleurs entourées de feuilles stylisées annonce le modern style qui apparait nettement sur une assiette de porcelaine blanche décorée de lignes or en faisceau soulignées à leur base d’arcs de cercles festonnés en éventail, sobres et géométriques.
Après les collectionneurs, honneur aux marchands, tels Siegfried Bing, dont les estampes japonaises exposées dans sa galerie ont tant influencé les peintres impressionnistes.
Un paravent de soie à trois feuilles provient de la collection Tadamasa ; D’autres peignes précieux et estampes de celle de Florine et Charles Langwell.
Dans la section consacrée à la Nature, l’exposition illustre l’influence exercée par l’art japonais sur les artisans et industriels français dès 1860 avec la déclinaison de motifs au cœur du japonisme : iris, chrysanthème, bambou, ombelle, nénuphars, papillon hirondelle, paon, langouste, thèmes chers au Japon, inépuisables sources d’inspiration, se retrouvent dans les objets, les textiles, les affiches, comme décrit précédemment.
Attardez-vous devant la vitrine « Glycine » : la lampe Tiffany, une couverture de livre en laque noir avec sa grappe de fleurs en cascade dans l’angle, ou le panneau de soie sur lequel les fleurs surplombent la surface d’une eau ridée vous en donneront l’illustration parfaite.
Une mise en regard de l’art japonais et français particulièrement notable dans l’adoption pour les paysages du principe japonais de composition sans perspective.
Témoignant d’une évolution permanente, des vanneries contemporaines aux entrelacs aériens deviennent sculptures ; une tête argentée de squelette de cervidé parsemée de fleurettes aussi argentées atteint le kitsch parfait.
Dans la pénombre pour ne pas fragiliser les étoffes, la mode n’échappe pas à la tendance.
Une somptueuse robe de chambre en soie matelassée ciel est rebrodée de longues branches de cerisiers en fleurs soulignant le bas du vêtement pour s’épanouir sur les épaules ; une majestueuse robe du soir-kimono se parsème de chrysanthèmes en fil d’or jusque sur sa traine, une robe des années folles joue sur les effets d’optique contrastés et de savants bords de décolleté plissés
Remarquées dans le mobilier, les chaises aux légers dossiers ajourés de fines branches sculptées, pur chef d’œuvre de l’art nouveau, un étonnant guéridon au plateau triangulaire aux angles desquels fleurissent les nénuphars dont les feuilles ornent les pieds. Des singes surprenant de vivacité s’ébattent en courbes et s’étirent sur les deux panneaux d’un paravent de Kakutaro datant de 1939. Une sobre potiche déploie son délicat décor végétal mêlant roses et bleus tendres ;
Pour le paon, spectaculaire entre toutes, incroyable, cette grille de fer forgé. L’oiseau en majesté posé à chaque extrémité voit les plumes de sa queue enroulée en spirales tout au long de la base, au bord haut, un alignement de fruits de grenade. Et encore cette assiette aux trois plumes déployées.
Caractéristique d’un service bien connu, la langouste n’a pas été oubliée.
Au deuxième niveau, dans la section paysage, perché sur une branche, un corbeau saisissant de vie, la tête encadré d’un halo orange se détache des parois d’un vase ; le vert cru d’une rivière s’insinuant entre la verticalité des arbres enneigés bordant ses rives compose un véritable tableau pour une simple assiette, des arbres aux formes géométrisées scandent verticalement des panneaux modern-style tissés en soie aux couleurs chatoyantes, de petits plateaux de laque se parent de chrysanthèmes en nuées, ravissant.
Le « Japon Miniature » aligne ses personnages et ses petits animaux, souvent des netsuke, saisissants de vivacité, d’humour, et de grâce dans différentes vitrines où se succèdent de charmantes découvertes, autres exemples de virtuosité accomplie.
Sur un paravent quatre feuilles tendues de canevas, seuls sont brodés dans des tons sourds, le coq, un vol d’hirondelles, des canards au bord de l’eau.
Pour évoquer le printemps, la virtuosité encore de cette boite de riz, ajourée de rangées de fleurs de pommiers superposées, d’une délicatesse incroyable.
Le Temps au Japon se transcrit en ligne ininterrompue et immuable.
Les quatre saisons rythment la vie et les fêtes religieuses Shintoïstes ou bouddhiques où la cérémonie du thé joue un rôle essentiel.Une vitrine sobre réunit les divers objets nécessaires à son déroulement : petits sacs pour les feuilles, théières en fonte, bols vernissés.
Au chapitre religion, deux lions à la crinière en boucles serrées voisinent un petit autel laqué dont les portes s’ouvrent sur un bouddha.
Plus loin, l’évocation des Sumos tient une large place dans la section spectacle, où s’exposent encore des affiches pour cabarets ou revues d’inspiration japonisante.
Encore très surprenante l’évocation du « Mouvement ». Dans de saisissants vols de grues, vagues, écume, sauts de carpes, et celui « implicite » des éventails, enfin celui que traduit la calligraphie jusqu’à l’aptitude à capter le mouvement sur le vif, la Manga de Katsushika comme le souligne le cartel.
Ici il faut admirer cette assiette d’où bondit la carpe, ce panneau de soie où l’ondoiement de la végétation épouse la courbe de la rivière, l’ondulation des flots et des vagues sur ce plateau. Tel un reptile, se dresse et s’enroule un serpentin tressage d’osier. La libellule vient se poser sur un peigne d’écaille blonde ou sur la transparence d’un vase irisé.
Un palanquin somptueux, laque noir et or, porte coulissante, richement décoré de motifs sur frises ajourées, aux parois décorées d’un motif trêflé cerclé d’arabesques feuillues.
Purement ornementale, sur les feuilles or d’un paravent moderne à deux feuilles, se déploie la calligraphie d’un poème chinois.
Moins impressionnantes que les armures récemment présentées au Musées Guimet, une vitrine se devait d’évoquer les Samouraïs. Cependant, rouge laque, un harnachement de cheval s’apparente à une œuvre d’art.
Au troisième niveau, place aux échanges contemporains.
La mode s’y taillent une place de choix. Créateurs japonais installés en France, Yamamoto, Miyake, Comme des Garçons par Rei Kawakubo, Kenzo, Hanae Mori se retrouvent aux cotés de Galliano.
Davantage attirée par le design, je recommande aux visiteurs les objets issus de Sèvres, les faïences d’une rare créativité, les sercices à thé, tables et tabourets design alliant élégance et sobriété d’un modernisme issu d’une exigence de perfection dont se sera aussi inspiré, lors d’un séjour au Japon, une Charlotte Perriand reprenant en version bambou sa chaise longue basculante.
Quelques minutes d’attention encore pour un documentaire consacré à un émouvant et grand artiste, graveur de kagatami, ces pochoirs utilisés pour teindre et imprimer les étoffes. Savant artisanat remontant au VIIIe siècle, perpétué jusqu’à aujourd’hui.
Invité dans les réserves du Musée par Béatrice Quette, commissaire de l’exposition, ce vieux monsieur aristocratique nous fait la démonstration de son art, analyse avec une rare érudition les planches qui lui sont présentées, nous dévoilant avec poésie et infini respect l’évolution d’un ancestral et remarquable savoir-faire en voie de disparition.
Visiteurs, un monde s’ouvre à vous.
Accordez-lui tout le temps et l’attention qu’il mérite.
Sa beauté et sa richesse le justifient.