Reviendrait à les réduire à de simples évocations « antiquisantes » s’inscrivant dans un large courant hélleniste qui à l’époque, touche maintes disciplines, la danse (« L’Après-midi d’un Faune »), l’architecture (« La Villa Kerylos »),
Et serait oublier tous les autres talents de ce Couturier espagnol, établi à Venise dès son enfance.
Voilà ce que nous fait découvrir la rétrospective fortement documentée organisée au Musée Galliera en collaboration avec le Museo Fortuny de Venise et le Museo del Traje de Madrid.
Issu d’une famille très cultivée : père célèbre artiste peintre décédé prématurément, grand-père maternel directeur du Prado, oncles peintres aussi réputés, Fortuny, fut aussi grand collectionneurs d’objets d’art et de tissus anciens qu’il réunira dans son Palazzo Pasaro Orfei.
Si les récentes découvertes archéologiques en Grèce occupent une place déterminante dans son travail, un séjour à Bayreuth lui révèlera la notion d’œuvre d’art totale, origine de ses nombreux décors scéniques et du soin apporté à la décoration de ses boutiques.
Essentielle dans la création de ses modèles, dont l’importance se note déjà dans ses très nombreuses photos d’extérieurs,
La lumière occupera un rôle prépondérant dans le tissage de ses très précieuses étoffes, dont Henriette, son épouse et muse, supervisera la longue et délicate élaboration de motifs puisés aux sources les plus diverses : crétoise, grecques, copte, renaissance, ou orientales, ajoutant leur miroitement à la fluidité des modèles, dans un jeu subtil de volumes et de formes.
Comme le plissé attaché à son nom, ces « inventions » seront l’objet de brevets qui, aujourd’hui encore conservent leur part de mystère.
Evoquées par les plus grands de nos écrivains tel Marcel Proust, le poète symboliste Henri de Régnier, portées jusqu’à aujourd’hui par des femmes aussi élégantes que la Comtesse de Greffulhe, excentriques comme la Marquise Casati ou Peggy Guggenheim, la danseuse Isadora Duncan ou Ohana Chaplin et sa fille Géraldine, ses robes traversent le temps.
Depuis Paul Poiret qui habilla son épouse à l’occasion de ses « Festes de Bacchus » d’un châle Knossos et d’une tunique de Fortuny, jusqu’à Issey Miyake et ses Pleats Please, se perpétue l’héritage de Fortuny.
Dans la pénombre des salles de Galliera, il suffit de contempler la mythique robe Delphos, au satin si finement plissé, épousant tout en souplesse les formes d’une mince silhouette que rien n’entrave, la fluidité de son tombé, la délicatesse des perles ornant le bord des manches, longues ou courtes, le savant jeu des cordonnets,
Pour admirer « cet ardent défenseur de la liberté du corps ».
La splendeur des manteaux ou capes, la légèreté de ses abaïas ou tuniques souvent arachnéennes, posées sur les robes, dans un jeu très recherché de matière, d’impression, ou de motifs, viennent compléter la tenue.
Artiste véritable, Inclassable, intemporel, Fortuny éblouit toujours.
Dans la scénographie de Béatrice D’Abony, Olivier Saillard nous présente sa dernière exposition à la direction de Galliéra.
Sa promesse de les poursuivre ailleurs nous réconforte.