A la différence des tableaux ou sculptures, le bijou est fait pour être porté.
Souvent créé par amour, par amitié, destiné à l’être cher, il s’augmente alors d’une charge affective comme il peut représenter pour son créateur un simple exercice de son art.
Epouse du sculpteur Bernard Venet, Diane Venet nous fait partager ses trésors réunis amoureusement au cours de ses voyages ou de ses recherches.
Egalement à l’honneur, les principaux ateliers d’orfèvrerie ou les artisans grâce auxquels ces œuvres souvent uniques ont pu être réalisées, particulièrement celui de François Hugo, collaborateur de Picasso, Cocteau, Man Ray, Jean Arp, Max Ernst ; et, dans les années soixante- dix, Gem Montebello pour la génération des Niki de Saint-Phalle, Soto, Bury, Arman, Fontana. Citons aussi Heger de Loexenfeld pour les superbes bijoux de Braque : « son apothéose », disait André Malraux. Les pièces montrées ici le confirment.
Artcurial y trouve aussi sa place.
D’autres encore, comme Alexandre Calder, fabriquent eux-mêmes leurs bijoux, tel cet important collier, presque un pectoral, à pendentifs spiralés en fil de laiton et bronze rattachés à un simple lien de cuir.
Chez les surréalistes l’inattendu, la surprise sont au rendez-vous.
Salvador Dali arbore une veste aphrodisiaque constellée de verres emplis de liquide vert absinthe. Sa montre petite cuillère, ses précieux pendentifs d’oreille en forme d’écouteurs de téléphone illustrent à merveille sa forme de folie débridée.
Pour Elsa Schiaparelli, Giacometti a sculpté les boutons qui ferment une sobre veste noire ;
En or finement martelés par Jean Hugo, masque primitif ou poisson de Max Ernst ; magie d’Orphée illustrée par Cocteau ; sobres découpages de Jean Arp ; fantaisie de Dorothea Tanning ou de Leonor Fini avec un collier torque, et de Matta, le collier de perles baroques en forme de croix rudimentaires enroulées et reliées par un fil d’or, composent un ensemble réellement séduisant.
De Man Ray, outre le loup » Optic Topic » et les lunettes « aveugles », les pendants d’oreilles en longues spirales d’or rose ont séduit jusqu’à Catherine Deneuve.
Ultra contemporains, le très « avant-gardiste » collier « Foglia », de Guiseppe Penone, fine feuille d’or rectangulaire nervurée des traits de sa main enroulée à une brindille de bois (affiche de l’exposition), comme la broche grenouille à l’extrémité menaçante en pince de crabe de Daniel Spoerri.
Datées des années soixante, les boites de Louise Nelson en pendentif semblent moins faciles à porter.
Le collier à motifs géométriques superposés d’émail de Meret Oppenheim semble d’inspiration « art-déco ».
Suivent les créations d’Ugo Rondinone, Mimo Palladino, de la « trans-avant-garde ».
Sensuelles La bague orchidée de Marc Quin, le collier « Lily » de Lowell Nesbitt, le pendentif ajouré « Fly » d’Ilya Kabarov en or et émeraude rappelant tous deux Lalique ; boucles d’oreilles « Hameçon et appât » de Miquel Barcelo présentées près de son assiette « mulet » célèbrent tous, fort différemment « Les «Métamorphoses de la nature » évoquées dans la salle suivante.
Le transgressif Wim Delvvoye avec sa peau de cochon tatouée d’une tête de Christ, et la bague « carpe Diem » du camerounais Barthélémy Toguo prennent place dans la section « Memento Mori ».
Les joyeuses nanas de Niki de Saint-Phalle, les rééditions de Giacommo Balla, membre fondateur du futurisme, une broche de Sonia Dalaunay ainsi que la superbe manchette « oiseau bariolé » incrustée de pierres semi-précieuses de Corneille dominent le thème « autour de la couleur » qui conclue ce premier parcours.
Dans une seconde section, le Musée des Arts décoratifs nous découvre encore, accompagnés d’excellents panneaux de présentation, un panorama complet des œuvres d’artistes représentant de tous les courants marquants des dernières décennies illustrés sous la forme de bijoux.
L’abstraction triomphante débute cette deuxième partie de l’exposition.
Caractéristiques de son art pictural, les bijoux de Fontana s’ornent de fentes ou de perforations sur l’or ou la laque de couleur.
« Composition 72 « est le nom donné à un collier composé de deux plaques d’or reliées par un fil zigzagant à leur surface signé de Fausto Melotti, autre milanais ;
La parure bracelet et collier d’Arnaldo Pomodoro se compose d’un ensemble de petites sculptures toutes différentes, travaillées une à une.
Georges Mathieu donne libre cours à sa veine dynamique sur une broche en or et rubis et sur une plaque d’or dont le motif en relief relève de la même démarche.
Côté américain, en rupture avec l’abstraction, de nouveaux courants émergent.
Rauschenberg recourt à des matériaux industriels, révélateurs de la société de consommation, tout comme Warhol avec sa montre « Time » aux cinq cadrans ornés de photos d’immeubles new-yorkais barrées d’aiguilles rouges fabriquée en série limitée.
Jeff Koons orne notre corsage de son emblématique « Rabbit », simple réduction de sa sculpture muée en pendentif ; le « Crawling Baby » de Keith Haring, présenté ici ne fait que reprendre son pictogramme le plus connu.
Le pendentif carré en verre irisé de Dewain Valentine, artiste associé au mouvement « Light and Space » des années soixante, irradie l’opalescence.
Impossible de ne pas mentionner les « Young British Artists ».
Les breloques en forme de pilules, thème cher à Damien Hirst, comme le boutons de manchettes en chewing-gum mâchonné et solidifié de Gavin Turk, et encore l’éloquent collier «fuking Beautiful » de Tim Noble Sue Webster en composent les exemples les plus significatifs.
Retour en Europe avec le Nouveau Réalisme définit par Restany comme « Le recyclage poétique du réel urbain »
César, Ben, Arman, Villeglé en sont de célèbres représentants.
Du premier on admire essentiellement, à côté d’emblématiques « Compressions » ou du « Sein » en pendentif, un bracelet finement ajouré d’entrelacs piqués de diamants, particulièrement esthétique.
Si la « Ceinture en Violons » d’Arman est difficilement portable, la manchette « Instruments » et sa bague inclusion sont aussi très étroitement liées à son univers pictural. Le collier « être » de Ben illustre son attirance pour le lettrisme, la bague de Villeglé s’orne, elle, du symbole des monnaies dominantes, dollar, yen, euro.
L’Art Cinétique est aussi à l’honneur.
Jeux d’ondulations animent les motifs de la parure « Jolie » en émail, nacre et argent de Vasarely.
Composée d’une frange de fils d’argent et d’or plaqué, les larges pendants d’oreilles de Soto sont aussi animés que ses « Pénétrables ».
Pol Bury dans ses bijoux, recourt à de légers éléments mobiles qu’animent les mouvements du corps.
Les premières créations de Takis jouent sur le magnétisme avec ses petites billes disposées sur une âme d’or.
Citons encore Morellet avec son pendentif trame, disque qui recourt à une forme minimaliste.
La dernière vitrine réunit les créations les plus récentes.
Offert par Frank Stella à Diane Venet, son collier en métal et peinture est particulièrement spectaculaire par ses lignes aériennes entourant un motif central en relief alvéolé.
Terrifiante, l’araignée de Louise Bourgeois est reconnaissable au premier coup d’œil.
Les créations de Dinos Chapman ne sont guère plus euphorisantes avec ce collier muni d’écrous pour le resserrer autour de la gorge tel un garrot d’étranglement ;
Adel Abdessemed choisit les lames de rasoir pour son bracelet-bague. ;
La bague « Menottes » de Kader Attia est tout aussi évocatrice.
En comparaison, « Water Pendant » collier d’Anish Kapoor, au pendentif symboliquement concave, semble presque rassurant.
Précieux, entièrement pavé de saphirs, le « Cucumber » d’Erwim Wurm contraste avec la « vulgarité » du sujet choisi
Pas grisantes, proche du minimalisme, les pendants d’oreille de Lee Ufan . Massif, le collier d’Antony Gormley aligne de simples parallélépipèdes d’acier.
Les créations de Bernard Venet figurent en bonne place ;
Toutes reproduisent clairement le style de ses sculptures ;
Enfin l’élégance du bracelet d’Ai Weiwei, fin ruban d’or martelé s’enroulant autour du bras, s’impose,
Pour clore ce riche panorama, la légèreté délicate des colliers végétaux de Jean-Luc Moulène et Jaume Plensa apportent, chacun dans leur style, un regain de fraicheur bienvenue.
Même si l’on peut s’étonner de l’absence de personnalités telles Lalanne et de Piza, artiste brésilien ayant toujours vécu en France,
Une exposition dont on sort enrichi de nombreuses découvertes.
Une plongée essentielle à la connaissance de la modernité déclinée dans sa spécificité « précieuse ».