Les chemins de traverse n’ont pas de secrets pour lui ;
Il sait nous entrainer en hors les murs, dans ces lieux intimes et privilégiés, souvent délaissés par les visiteurs pressés plus friands de grandes institutions que de ces petits musées exhalant le charme des demeures privées chargées d’histoire, qui appartiennent, comme Galliera, à la Ville de Paris.
Après le Musée Bourdelle où se tient jusqu’au 16 juillet la sublime exposition « Balenciaga, l’œuvre au noir »,
Nous voilà Place des Vosges, dans la Maison de Victor Hugo.
Contrastant avec les mondanités « show-bizz » du vernissage Dalida où se pressait la foule des grands jours : vedettes, fans, personnalités municipales, journalistes émoustillés,
Le calme et la torpeur ambiante semblaient avoir aussi frappé cette présentation.
Boudée à l’heure de la presse, dans un silence troublant, un gardien s’est endormi.
Esseulée, mais non moins réceptive, dès l’accueil une collection de longues capes alignées : cape de bure, cape de berger, cape de procession, cape d’apparat ou de protection, nous plonge aussitôt au cœur d’une Espagne, profonde, diverse et mystérieuse.
Un gilet de velours noir à double boutonnage d’argent, spencer noir, culottes moulantes et hautes bottes luisantes ; de longues jupes superposées richement ornées de galons, tablier brodé de motifs floraux, pourpoint et fichu croisé frangés d’or composent de très élégants costumes de la région de Salamanque portés par le roi Alfonse XIII et l’Infante Isabelle.
Aux Baléares, agrafé au fichu, un impressionnant collier –plastron, grande croix pectorale entourée de plusieurs rangs d’olives à godrons, pare de tout son éclat une tenue sombre juste ornée d’un très court tablier or. L’homme arbore culottes bouffantes rayées que retient une large ceinture frangée. Aux pieds de chacun, des espadrilles.
Aux Canaries, le corset lacé devant, largement échancré, souligne une taille de guêpe, gracieux contraste avec le bouffant marqué de la jupe. Le rouge et le noir dominent.
Réunis dans une même vitrine, les sabots de bois s’ornent de gravures à Tolède, les chaussures arborent le S, symbole chrétien antique ; fabriquées en toile et cuir, talons bobine, nœuds, broderies à fleurs de couleurs vives s’inspirent du XVIIIe siècle.
Toujours dans la région de Tolède, les costumes de cérémonie Corpus Christi se confectionnent à partir de riches tissus de laine ou de soie de Valence ou Talavera.
La collection de tenus de mariées ici présentées offre un bel exemple de richesse et de complexité avec leurs jupes superposées, tabliers, corselets, bandes de dentelles au fuseau et ce bouquet porté sur la poitrine, fait de fils d’or réunissant les symboles de l’amour : œillets et cœur.
Les tenues de « huertanos » de Valence exhalent toute la fraicheur de leurs coloris et la légèreté de leurs étoffes. Chez l’homme, la culotte « zarguella » en coton témoigne de la réminiscence de la cohabitation avec les arabes. Pour les femmes, typiques du XVIIIe siècle, le tablier et le fichu de fine mousseline brodée, la jupe de soie à fleurs tissées dont l’étoffe évoque aussi l’implantation de cette industrie par les arabes.
Dans la salle consacrée à l’Andalousie, oubliez les volants.
Place aux costumes reliés historiquement avec la perpétuation du costume castillan, « de manto y saya » à l’effet particulièrement sombre et dramatique. La jupe, saya, et le grand manteau de fine laine mérinos noire (comme la jupe) forme une très longue capuche à l’effet spectaculaire que l’on retrouve souvent chez Balenciaga .
Des broderies marocaines évoquent les habits musulmans, le châle de Manille montre l’évolution du costume traditionnel avec une inspiration d’origine chinoise.
A la sévérité du noir chez les femmes répond une tenue masculine aux guêtres cramoisies et vieil or, veste noire richement éclairée de broderies et la large ceinture écarlate.
Une tenue de mariée de La Alberca se pare d’un lourd bijou à l’esthétique baroque, réunissant force amulettes et médailles à la fonction protectrice, témoigne de la richesse de sa propriétaire. Il rappelle certaines parures exposées au Musée d’Art et du Judaïsme d’origine Marocaine.
Une jupe bleue au savant plissé orné de nœuds et applications de ruban ciel caractérise la tenue de femme d’Almeria que complète un délicat tablier de soie ivoire bordé d’une large dentelle.
Dans la dernière salle une vitrine de bijoux présente une importante collection de boucles d’oreilles et colliers divers. Au cou, Grains de filigrane d’or, perles de Murano, corail s’intercalent entre croix et force reliquaires.
Volumineuses, girandoles, pendeloques, créoles naturalistes ornent les oreilles.
Un panneau rend toute son importance aux amulettes pour chasser le mauvais œil : main au pouce croisé entre index et majeur (identique à la « figua » brésilienne) croissants de lune. Chargés de pouvoir magique depuis l’antiquité, corail, jais, cristal sont largement employés.
Le jais s’associe depuis le XVIIIe à l’argent et au corail combinant tradition orientale et éléments religieux : croix, médaillons, représentatifs de la dévotion espagnole.
Non loin de bien curieux chapeaux de paille, indispensables accessoires de protection aux travaux des champs, sont surmontés d’une calotte démesurément haute spécialement conçue pour couvrir le chignon.
Une silhouette photographiée lors des noces d’Alphonse XIII se compose d’une tenue rigide avec, à partir de la taille, superposition de plusieurs « garde-pieds », larges jupes bouffantes de laine nervurée déclinant grenat, orange et marron que complètent une pièce croisée sur la poitrine sur un tablier de laine noire. Tenu par un foulard, la tête se couvre d’un curieux chapeau de paille à visière ornée de franges de laine rouge et d’une haute calotte à chignon.
Un berger de la Serena, dans un camaïeu de bruns chauds, arbore tablier protecteur à poils, veste en peau suédée et gilet généreusement décorés d’applications figuratives, surpiqures et passepoils.
Dans la vallée d’Anso, une longue tunique de « nonne », en laine grossière noire ou verte, recouvre une simple chemise de coton blanc. Une mantille immaculée vient compléter l’ensemble pour se rendre à l’église.
Infiniment plus sophistiqué, en Navarre un savant jeu de jupons superposés se relève dans le dos et s’agrafe pour former comme un papillon. Décolleté prononcé pour le pourpoint bicolore, sur la mantille aux mêmes coloris vifs pour l’église, de petits losanges contre le mauvais œil décorent la bordure entre cils et pointes.
En Castille et Leon, révélatrice de l’activité de commerce ambulants traditionnellement exercé par les hommes de ces régions, la célèbre tenue de muletier. La ceinture brodée en laine et lin, le gilet et le pantalon court se parent d’allégories de l’amour dans une société caractérisée par l’absence de l’époux.
Enfin, les « Majos » de Madrid illustrent le « magismo » ce gout aristocratique pour les costumes populaires.
La silhouette féminine, noire toujours, évolue avec la taille haute, un boléro court, une basquina noire et une mantille espagnole de dentelle aux fuseaux. La jupe présente un travail extraordinaire de chenille de velours noir, de houppes, de franges et passementeries.
La tenue masculine, costume trois pièces à rabats coupés, taillé dans un satin irisé ivoire et moka annonce le début du « vestido de luces » « habit de lumière des toreros.
Couleurs vives alliant rouge, noir, rose, caractérisent les tenues de fête ou de mariées dans la région de Salamanque. Une jupe de laine bouton d’or est brodée de rouge, un tablier de taffetas vert se pare de fleurettes grenat, le châles de pavots saumon et fraise.
Contraste des couleurs toujours : la « huertana » de Murcia porte une jupe incarnat et or, tablier de velours noir à paillettes, et un délicat châle de dentelle beige brodé ton sur ton.
Révélant au fil de l’exposition une multiple virtuosité d’exécution, on retrouve bien souvent dans ces costumes les diverses sources d’inspiration qui ont nourri, outre Balenciaga, le travail de nombreux créateurs.
Sur le parcours, en miroir des costumes régionaux, une importante sélection de photographies de José Ortiz Echaguë, remarquable travail de documentation commencé au Maroc entre 1909 et 1916 et poursuivi à son retour à travers tout le territoire.
Tirages en noir et blanc, figures marquantes et costumes typiques sont soigneusement mis en scène afin de recréer une « Arcadie rurale » vision éternelle, intemporelle de l’Espagne.
Une visite qui vous révélera bien des splendeurs inconnues
Dans la maison du plus espagnol de nos grands écrivains.
Une initiative riche de découvertes, foisonnante, spectaculaire.